La hausse de la rémunération des hauts dirigeants de Bombardier est une décision qui pue au nez du président du Mouvement d’éducation et de défense des actionnaires, Daniel Thouin.

Photo : Le Soleil, Jean-Marie Villeneuve

Rémunération des hauts dirigeants : l’action passe par le réveil des actionnaires

4 avril 2017
Gilbert Leduc, Le Soleil

(Québec) « Ça ne sert plus à rien de s’indigner et de pousser les hauts cris. Le moment est venu de passer à l’action. Petits actionnaires, ne jetez plus à la poubelle sans la regarder l’invitation pour participer à l’assemblée générale annuelle de la compagnie dans laquelle vous avez investi vos précieux billets verts. Présentez-vous. Posez des questions. Faites-vous entendre. »

Oui, la hausse de la rémunération des hauts dirigeants de Bombardier est une décision qui pue au nez du président du Mouvement d’éducation et de défense des actionnaires [MEDAC], Daniel Thouin.

Par contre, jamais il n’aurait pensé qu’autant de Québécois afficheraient leur colère à l’endroit de ce fleuron de l’économie québécoise. Il parle même d’une « occasion de faire l’histoire ».

« Voir tous mes concitoyens descendre dans la rue pour dénoncer la décision de Bombardier m’a extraordinairement surpris. Pour d’autres dossiers, dans le passé, ils sont restés à la maison. Pas cette fois-ci. C’est bien simple, nous sommes tous choqués. Nous estimons que nous avons été trahis par un partenaire, par une compagnie dans laquelle nous avons injecté des fonds publics à coups de milliards de dollars », expose Daniel Thouin en entrevue au Soleil.

Il n’achète pas les explications fournies, ces derniers jours, par le pdg de Bombardier, Alain Bellemare, pour justifier la hausse de 48 % de la rémunération des six hauts dirigeants.

Évoquant une mauvaise communication de l’information contenue dans la circulaire transmise aux actionnaires, le pdg a tenu à préciser à La Presse que l’augmentation n’allait être payée qu’en 2020 et à la condition que la compagnie atteigne des objectifs bien précis.

« Vous croyez ça, vous? Pas moi, en tout cas. Toute cette affaire part d’une fausse prémisse voulant que les hauts dirigeants de Bombardier méritent ce qu’ils gagnent », affirme celui qui a succédé à Yves Michaud - le « Robin des banques » - à Claude Béland et à Fernand Daoust à la présidence du MEDAC

« Il n’y a aucune logique dans la politique de rémunération. À bien y penser, oui, il y en a une logique. Celle de se comparer toujours avec les plus gros et non pas avec le rendement et la performance de l’entreprise, comme le fait si bien, par exemple, le Groupe Canam en Beauce. Il n’y a aucune règle, sauf la cupidité des hauts dirigeants. Donne-moi en plus, parce que j’en veux plus. »

Évidemment, le MEDAC ne ratera pas une seule seconde de l’assemblée générale annuelle de Bombardier qui se tiendra le 11 mai prochain.

« Nous allons demander la fixation d’un maximum de la rémunération des hauts dirigeants, en particulier celle du pdg, et l’établissement d’un ratio entre la rémunération du plus haut salarié et celle du plus bas salarié. Ça sera au conseil d’administration de Bombardier d’établir le maximum et le ratio. Ça relève de sa responsabilité. »

D’abord, les banquiers

Depuis sa fondation en 1995, le MEDAC - qui s’appelait à l’origine l’Association de protection des épargnants et investisseurs du Québec - se bat bec et ongles contre l’opacité des banques et pour limiter la rémunération de leurs dirigeants.

Ces jours-ci, la plupart des grandes banques canadiennes tiennent leur assemblée annuelle des actionnaires. Les représentants du MEDAC n’en manquent pas une afin de faire valoir leurs positions.

Pourquoi cet acharnement à l’endroit des banques?

Parce que la rémunération des hauts dirigeants de ces vénérables institutions sert souvent d’étalon de mesure pour déterminer celle des patrons d’entreprises privées.

Et parce que les banquiers ne sont pas, non plus, ceux qui prennent le plus de risques. « Pourquoi les payer 12 millions $ par année pour un job de rond de cuir, de fonctionnaire? Des banques centenaires qui font faillite, en connaissez-vous? Il y aura toujours un gouvernement quelque part qui volera à sa rescousse le moment venu. »

Daniel Thouin souhaite que les dirigeants politiques canadiens imitent le parlement israélien qui a adopté une législation, il y a un an, limitant le salaire annuel d’un dirigeant de banque à 860 500 $. La loi stipule également qu’aucun salaire versé dans le secteur financier ne peut excéder 35 fois celui de l’employé le moins bien payé au sein de la même société.

Avec un peu plus de 700 membres qui paient un coût d’adhésion de 45 $, le MEDAQ manque cruellement de moyens pour maintenir sa capacité d’intervention, fait valoir Daniel Thouin, un ancien professionnel de la fonction publique québécoise. « On n’a pas d’argent. Nous devrions être 5000 membres. »

Qui sait, la saga de Bombarbier permettra peut-être de regarnir les rangs du mouvement citoyen qui joue un rôle de rempart contre l’appétit glouton des patrons?

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