Des entraves au ruissellement de la richesse

15 juin 2018
Dominique Lemoine

Des sociétés cotées ne se servent pas des montants qu’elles épargnent grâce à des baisses de l’impôt des sociétés pour investir dans leur fonctionnement, créer des emplois ou redistribuer leurs profits de manière plus socialement responsable dans leur collectivité, mais plutôt pour racheter de leurs propres actions, ce qui en fait artificiellement grimper le prix, au bénéfice de leurs dirigeants et au détriment d’épargnants et investisseurs.

Sur la base d’un rapport rendu public par le commissaire Robert Jackson Jr de la U.S. Securities and Exchange Commission (SEC), CNN Money rapporte que des hauts dirigeants tirent profit d’une vague record de rachats d’actions effectués par les sociétés par actions qu’ils dirigent, dans la foulée de la diminution de l’impôt des sociétés sous la présidence de Donald Trump, ce qui pourrait contribuer à aggraver les inégalités de revenus.

« Wall Street adore ça. Ça signale que les chefs de la direction croient que l’action est bon marché, et son prix grimpe habituellement après l’annonce des rachats d’actions. Dans les jours qui suivent le dévoilement des rachats par les entreprises, les dirigeants vendent discrètement leurs propres actions », précise CNN Money.

Selon l’analyse effectuée par des chercheurs, le pourcentage d’initiés qui vendent des actions augmente de plus du double immédiatement après les annonces de rachats d’actions, comparativement à quand il n’y a pas eu de rachat d’actions. De plus, la moyenne de la valeur monétaire des ventes quotidiennes d’actions par des dirigeants passerait de 100 000 dollars à 500 000 dollars quand il y a eu un rachat d’actions juste avant.

« Tout de suite après que l’entreprise ait signalé au marché que l’action est bon marché, des dirigeants décident en masse que c’est le temps de vendre », a expliqué Jackson, selon CNN Money.

La recherche à la base du rapport repose sur l’étude de 385 rachats d’actions en 2017 et durant les trois premiers mois de 2018. Sur cette période, le gain supplémentaire total des initiés ayant ainsi vendu de leurs actions est évalué à 75,1 millions de dollars.

Selon CNN Money, des « économistes voient jusqu’à maintenant peu d’indications selon lesquelles la réforme de l’impôt aurait déclenché une accélération des investissements en équipement, usines ou autres projets », c’est-à-dire des investissements qui sont favorables à la performance à long terme de l’entreprise.

Selon Jackson, il s’agit d’un moyen de rémunération légal mais troublant, car il incite des dirigeants à se concentrer sur du court terme et il brise le lien entre la rémunération et la performance.

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