Promesse rompue

5 décembre 2016
Antoine Robitaille, Le Devoir

Avec les parties du projet de loi C-29 qui portent sur les banques, Justin Trudeau serait-il en train de rompre une autre promesse? Dans une lettre à Philippe Couillard le 22 août 2015, en campagne électorale, le chef du PLC écrivait : « Il nous faut constamment revenir à l’esprit fédéral : cette idée que nous devons travailler ensemble, dans le respect des différences, pour atteindre nos objectifs communs. Les défis auxquels nous faisons face ne peuvent être résolus uniquement à partir d’Ottawa. »

Or, subrepticement, dans le projet de loi C-29, de mise en oeuvre du dernier budget fédéral, Ottawa tente précisément de « tout résoudre », cette fois en matière de protection du consommateur dans le secteur bancaire. Peu importe ce que la Constitution dit : les relations contractuelles sont de compétence exclusive provinciale. Peu importe que, dans des arrêts récents, la sacro-sainte Cour suprême ait confirmé que la loi sur la protection du consommateur du Québec (LPCQ) s’applique aux banques, même si ces dernières sont de compétence fédérale. Non, avec C-29, Ottawa veut imposer un nouveau régime « complet et exclusif » de protection, qui aura « prépondérance » sur les lois provinciales en la matière, « uniforme à l’échelle » à l’échelle du Dominion. On veut « assurer l’uniformité dans la supervision des institutions et le contrôle d’application des dispositions relatives à la protection des clients et du public ».

Le Bloc québécois, qui n’a pas perdu tous ses réflexes, a dénoncé la manoeuvre. Et les autres partis d’opposition l’ont appuyé, même les conservateurs, qui, lorsqu’ils étaient au pouvoir, avaient tenté subtilement la même chose. À l’Assemblée nationale, on a la semaine dernière adopté une motion unanime; donc appuyée même par les libéraux de M. Couillard.

Dans les rangs libéraux à Ottawa, on rétorque que C-29 donnerait aux consommateurs de certaines provinces une protection que leur province ne leur donne pas. On prétend aussi que les actions collectives, comme celui qui a fait cracher 32 millions aux banques parce qu’elles omettaient de révéler les frais de change qu’elles exigeaient sur des transactions de carte de crédit à l’étranger (arrêt Marcotte), seraient encore possibles. C’était là une violation de la LPCQ. Avec C-29, on pousserait le consommateur à se plaindre à l’ombudsman de la banque ou au Commissaire fédéral à la protection du consommateur. Pour Option consommateurs, il y a là un risque d’affaiblissement des protections. On soupçonne le gouvernement Trudeau-Morneau de vouloir donner un cadeau de Noël aux banques.

Chose certaine, on est loin de l’« esprit fédéral » vanté dans la lettre d’août 2015. Ottawa devrait y revenir et s’occuper de ses compétences. Et le gouvernement Couillard devrait le lui rappeler directement.

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