Le dominion des institutions financières impériales
Montréal, le 2 décembre 2016 — Les camps opposés de la politique québécoise, tant à Québec qu’à Ottawa, se sont regroupés cette semaine contre la vraie nature du Canada, soit un État qui n’est pas totalement indépendant des banques.
Les forces politiques du Québec affluent sur le champ de bataille constitutionnel
Le 29 novembre, une motion sans préavis a été adoptée à l’unanimité des 96 députés présents à l’Assemblée nationale du Québec. La motion, présentée conjointement par Manon Massé, François Bonnardel et Nicolas Marceau, a obtenu l’appui du Parti libéral.
La motion exige du gouvernement fédéral qu’il retire des dispositions camouflées dans son projet de loi C-29, car ces mesures rendraient inapplicable aux banques canadiennes la Loi sur la protection du consommateur (LPC) du Québec. La motion doit être envoyée au gouvernement fédéral, aux députés fédéraux du Québec et aux actuels parlements provinciaux du territoire.
Depuis le 28 novembre, Gabriel Ste-Marie du Bloc québécois, Willie Gagnon, coordonnateur du Mouvement d’éducation et de défense des actionnaires (MÉDAC), ainsi que Daniel Thouin, président du MÉDAC, ont accepté les missions de lanceurs d’alerte et d’éveilleurs de conscience des classes politiques et médiatiques, dont Pierre Curzi, Mario Dumont, Benoît Dutrizac et Bernard Drainvile.
Face à un tel « étau qui se resserre », même les partis d’opposition à Ottawa, incluant le Parti conservateur, auteur du projet de loi C-38 (2012), demandent des modifications au projet de loi C-29 par le gouvernement actuel de Justin Trudeau, dont une prétention au sens serait de défendre « l’intérêt national » en servant les intérêts de Bay Street.
Autre signe de regroupement probable des forces politiques du Québec pour contrer les prétentions d’Ottawa, le ministre de la Justice du Québec à l’époque, le libéral Jean-Marc Fournier, avait transmis une lettre au ministre des Finances du Canada, le conservateur James Flaherty, pour exprimer les préoccupations du Québec au sujet des effets de C-38 sur le partage des compétences constitutionnelles.
À cet effet, le MÉDAC a fait parvenir une lettre à l’actuelle ministre de la Justice du Québec, Stéphanie Vallée, afin de l’inviter à écrire elle aussi une lettre ouverte à l’actuel ministre fédéral des Finances, Bill Morneau, pour lui signifier la position ferme et unanime du Québec.
Tout le Québec est au front
« Que ce soit au sujet des valeurs mobilières ou de la protection des consommateurs en matière bancaire, la volonté fédérale de faire fi du partage constitutionnel des pouvoirs transcende les partis [voir la tentative similaire sous Harper]. Elle semble alimentée par la volonté sans faille des lobbyistes et financiers de Bay Street », a déclaré Willie Gagnon.
Gabriel Ste-Marie a ajouté que « le gouvernement fédéral subit d’intenses pressions pour faire plaisir au secteur bancaire de l’Ontario » et qu’avec le projet de loi C-29, « le ministre des Finances [lui-même partie prenante au sein de la clique de Bay Street], qui est supposé défendre la population, se comporte davantage comme un lobbyiste que comme un ministre ».
Gabriel Ste-Marie a également rappelé que la LPC, notamment grâce à l’apport de Lise Payette, est l’une des plus avancées en Amérique du Nord et qu’elle interdit entre autres les frais cachés, les frais abusifs et les publicités trompeuses. Les positions du député ont également été exposées dans une lettre ouverte, envoyée notamment aux Associations coopératives d’économie familliale (ACEF).
Coup de semonce du MÉDAC
Willie Gagnon, a rappelé que le gouvernement de Stephen Harper a fait adopter une disposition très semblable dans C-38 et que le projet de loi actuel (C-29) donne l’impression de vivre une sorte de « jour de la marmotte ». La disposition en question de C-38 a introduit, dans le préambule de Loi sur les banques, la notion de normes « complètes et exclusives », notion dont la portée juridique a par la suite été restreinte par l’arrêt de la Cour suprême dans l’affaire Marcotte (2014), garantissant du coup la portée de la LPC.
Trudeau pousse l’affaire un cran de plus.
« On est devant un tracteur à pont du libéralisme financier, devant une déferlante du lobbyisme bancaire, [devant] un rouleau compresseur de Bay Street, dont est issu le ministre Bill Morneau; ni plus ni moins qu’un bulldozer législatif fédéral », a fulminé Willie Gagnon, en point de presse à Ottawa.
Ils ont souligné l’inconstitutionnalité de cette démarche fédérale, d’après la Cour suprême elle-même.
« Sa constitution, le Canada n’en a cure. Quand ça fait son affaire, il la respecte comme une fatalité divine et la cite comme des paroles d’évangiles. Quand ça ne fait pas son affaire, il la contourne, il agit anticonstitutionnellement. », a tonné Willie Gagnon.
Canada : patrie des banques de l’empire — Banque royale du Canada, Banque canadienne impériale de commerce, Banque Toronto-Dominion, Banque nationale du Canada, etc.
Alain Deneault a récemment raconté l’histoire de la création de petits États des caraïbes, avec la collaboration de banques canadiennes coloniales au service de l’empire britannique, pour que ces États deviennent des partenaires légaux sur mesure au service d’une délocalisation légale d’actifs et de revenus imposables de grandes entreprises et de nantis de l’empire.
Gabriel Ste-Marie a aussi rappelé que les banques canadiennes, contrairement aux autres industries, sont en plus déjà protégées par la législation fédérale contre la concurrence étrangère, exclues de tous les accords commerciaux de libre-échange, jouissent d’un environnement fiscal sur mesure pour elles, n’ont pas à respecter la Loi 101 et le Code du travail du Québec, en plus d’être parmi les plus importants utilisateurs de paradis fiscaux au monde, en toute impunité.
Ce nouvel épisode de centralisation de pouvoirs constitutionnels des États fédérés par le gouvernement central, au détriment des consommateurs, des épargnants et des actionnaires, n’est pas sans rappeller la mobilisation des forces du Québec contre la volonté fédérale, tous gouvernements fédéraux confondus jusqu’à maintenant, de créer une commission unique des valeurs mobilières, elle aussi jugée anticonstitutionnelle par la Cour suprême, encore pour satisfaire l’appétit insatiable de la clique royaliste de Bay Street.
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