Le vote multiple comme rempart d’auto-détermination économique
Montréal, le 22 avril 2016 — L’activisme d’Ottawa et de Bay Street dans le dossier des actions à droit de vote multiple semble davantage motivé par l’intérêt politique que par des soucis de cohérence purement économique.
Dans une entrevue accordée à Michel C. Auger de l’émission Midi info à Radio-Canada, le président du Mouvement d’éducation et de défense des actionnaires (MÉDAC), Daniel Thouin, a rappelé, sur la base d’une étude de l’Institut sur la gouvernance (IGOPP), que Bay Street ne semble « pas si allergique que ça aux actions à droit de vote multiple » d’entreprises de la Bourse de Toronto qui sont de « nature canadienne », telles que Power Corporation du Canada et Onex.
Bloomberg a en effet rapporté que l’aide du gouvernement fédéral demandée par Bombardier aurait été rendue conditionnelle à l’abandon de ses actions à droit de vote multiple et que Bombardier aurait ainsi refusé une première proposition du fédéral.
Selon une professeure de droit de l’Université de Toronto, Anita Anand, dont les propos sont rapportés par La Presse, Bay Street jugerait que « les structures comprenant des actions à droit de vote multiple sont injustes parce qu’elles font porter une part disproportionnée du risque aux détenteurs d’actions surbordonnées ».
Cependant, « je ne suis pas certain qu’ils [Bay Street] vont faire le même commentaire pour tout le monde. On le dit pour Bombardier, mais on ne le dit pas pour soi », a ajouté Daniel Thouin à Midi info, reconnaissant cependant que Bombardier devait s’attendre à des négociations et à des conditions en demandant un soutien financier public du fédéral.
Une proie qui fait saliver
Des entreprises et des investisseurs du Canada, des États-Unis et d’ailleurs pourraient plutôt actuellement saliver à l’idée de s’offrir la « proie facile » de Bombardier à prix « d’aubaine » en raison des bas fonds historiques de la valeur de son titre, laisse entendre L’actualité. Les actions à droit de vote multiple seraient dans ce contexte la « seule chose qui les en empêche ».
Selon Bloomberg, « des changements en gouvernement d’entreprise sont recherchés [par Ottawa] en partie pour rendre plus facile pour l’entreprise [Bombardier] d’obtenir l’accès dans le futur à des fonds privés [par exemple de Bay Street], plutôt que de se tourner vers les gouvernements pour de l’aide ». La détention par la famille Beaudoin-Bombardier de 53 % des droits de vote serait perçue, avec raison, comme étant un obstacle à cette ambition.
« Il y a un certain nombre d’avantages qu’on doit conférer au contrôle par vote multiple, en particulier sa capacité d’éviter des prises de contrôle hostiles », confirme Daniel Thouin. Il ajoute que la position nuancée du MÉDAC, inspirée par celle de l’IGOPP, est de réduire le nombre de votes d’une action à droit de vote multiple à 4 pour 1, plutôt que 10 à 5 pour 1.
Du côté de l’IGOPP, son président Yvan Allaire soutient que « s’il n’y avait pas d’actions à droit de vote multiple, il faudrait trouver d’autres moyens pour s’assurer que les entrepreneurs qui bâtissent une entreprise n’en perdent pas le contrôle lorsqu’ils ont besoin de financement ».
Indice de l’état d’esprit qui règne à Toronto au sujet de la nationalité des fleurons, Anita Anand concède que l’élimination des droits de vote multiple « faciliterait les prises de contrôle étrangères », mais juge ce risque atténuable par des interventions du fédéral pour « bloquer » les prises de contrôle visant « des entreprises d'importance nationale, dont Bombardier ».
Attention aux beaux parleurs
Dans la foulée, Québec s’est dit prêt à aider Alimentation Couche-Tard après que son fondateur Alain Bouchard eût évoqué que la vente de son entreprise ne serait pas écartée si les actions à droit de vote multiple sont abolies par les actionnaires en 2021, ce à quoi tiendraient particulièrement et en bloc les actionnaires de Couche-Tard qui sont basés à Toronto.
De plus, le fondateur de CGI, Serge Godin, a lui aussi laissé entendre que le siège social montréalais de son entreprise était en péril.
Le MÉDAC reconnaît que le risque de prises de contrôle hostiles est réel et se donne la mission d’être en première ligne pour maintenir au Québec, en les protégeant contre les offres d’achat hostiles, les centres de décisions d’ici qui sont des moteurs et des symboles de la vitalité de l’écosystème économique.
Cela dit, le MÉDAC demeure aussi vigilant sur la possibilité que des entreprises d’ici soient tentées de profiter de la grogne autour des ventes de Rona et St-Hubert et des inquiétudes sur une fuite des sièges sociaux pour façonner leur image et exagérer leur pétrin, de manière à s’obtenir des fonds publics ou des concessions fiscales de la part de l’administration publique.
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Pour plus de renseignements :
Le MÉDAC : 514-286-1155
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