Le printemps des actionnaires

La rémunération des patrons suscite les foudres des investisseurs

2012-06-09
Stéphanie Grammond, La Presse

En Europe et aux États-Unis, un mouvement de fronde s’élève contre la rémunération des dirigeants d’entreprise. La presse anglaise parle d’un « printemps des actionnaires ». Mais une hirondelle ne fait pas le printemps. À long terme, quel sera l’impact de cette vague de protestations sur le mode de rémunération des grands patrons?

Le printemps est toujours la saison la plus active pour les droits des actionnaires. Mais cette année, les assemblées annuelles ont été particulièrement orageuses au Royaume – Uni et aux États – Unis. Les grands investisseurs institutionnels, normalement peu bruyants, ont dénoncé haut et fort la rémunération excessive des dirigeants des sociétés inscrites en Bourse.

Cette semaine encore, la foudre des actionnaires est tombée sur Extrata qui a avalé la canadienne Falconbridge en 2006. Le géant minier a annoncé le versement de primes de rétention de 270 millions de dollars pour s’assurer que 73 hauts dirigeants demeurent avec l’entreprise après sa mégafusion avec Glencore.

Ces « menottes dorées » ont soulevé les protestations de Fidelity et Standard Life qui les jugent « inacceptables et déprimantes », surtout que les dirigeants d’Extrata appuient déjà la fusion.

La colère des investisseurs gronde depuis quelques mois, avec en toile de fond le mouvement Occupy Wall Street et les mesures d’austérité pour sortir de la crise européenne.

« C’est de bon augure pour l’avenir. Ça démontre qu’on arrive à un moment charnière où il y a un meilleur équilibre entre les pouvoirs », estime Olivier Gamache, président du Groupe Investissement Responsable.

Ainsi, plus de la moitié des actionnaires de Citigroup se sont opposés à la rémunération de 15 millions offerte au dirigeant de la banque américaine. Une première à Wall Street. Il faut dire que la loi Dodd Frank, adoptée en réaction à la crise du crédit, exige la tenue d’un vote consultatif (Say-on-Pay) depuis 2010. Plusieurs pays comme le Royaume–Uni, l’Australie et la Suède, imposent aussi le Say-on-Pay.

En Angleterre, les investisseurs ne se sont pas privés. Ils ont voté contre le salaire du patron de l’assureur Aviva qui a ensuite démissionné. Et face à la pression, le dirigeant de la société financière Barclays a lui-même refusé la moitié de son bonus.

Coup de barre en France

La France a emboîté le pas la semaine dernière. Le nouveau gouvernement socialiste de François Hollande a annoncé que la rémunération des patrons de société d’État serait limitée à 20 fois le salaire de l’employé le moins bien payé. Le patron de la société d’énergie nucléaire EDF, verra ses émoluments tomber de plus de 60 %, à 775 000 $.

Le gouvernement espère aussi limiter la rémunération dans plusieurs multinationales dont il est actionnaire minoritaire. La semaine dernière, l’État français a utilisé sa participation de 16 % dans Air France-KLM pour signifier son désaccord face à la prime accordée à l’ancien dirigeant pour s’assurer qu’il n’aille pas travailler chez un concurrent.

Une question d’équité et de décence salariale, au moment où l’économie et le marché du travail sont minés par la crise européenne…

Ascension canadienne

Mais une hirondelle ne fait pas le printemps. « Je doute que ces agitations mènent à une grande réforme de la gouvernance », dit Yvan Allaire, président du conseil de l’Institut sur la gouvernance d’organisations privées et publiques (IGOPP) qui vient de publier une étude approfondie sur la rémunération des dirigeants.

Il constate que la rémunération des patrons au Canada a fait un bond important depuis 12 ans. Les chefs de la direction des 60 plus grandes sociétés inscrites à la Bourse canadiennes ont reçu une rémunération record de 6,2 millions de dollars en 2010, presque trois fois plus qu’en 1998.

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