Le capitalien « frileux »

2014-10-21
Normand Caron

Qu’est-ce que le capitalien « frileux et/ou inconscient »? Non seulement ne s’interroge-t-il pas sur l’utilisation qu’on fait de ses épargnes, mais il les laisse dormir dans des véhicules à très faibles rendements, voire carrément nuls. Il laisse l’inflation et l’impôt gruger lentement, mais inexorablement les faméliques intérêts qu’il récolte annuellement sur son capital stagnant. Pire, il donne carte blanche aux institutions de dépôts de prêter son actif à qui bon leur semble, engrangeant ainsi dans leurs coffres les écarts grandissants entre les intérêts perçus et ceux payés.

Vous me direz qu’il ne s’agit peut-être pas de sommes très importantes. Vous ajouterez aussi, et à bon droit, que tout bon investisseur doit conserver un pourcentage de son portefeuille en titres liquides, faciles à récupérer auprès de sa caisse ou sa banque. Bien entendu! Mais quand on scrute attentivement les données que nous dévoile la Banque du Canada pour les banques à charte, couplées aux derniers bilans du Mouvement Desjardins, on peut s’interroger sur le bien-fondé de ce type de stratégie de placement.

Le tableau suivant vous permettra d’en juger :

Portrait des dépôts des particuliers québécois 2008-2013

(en millions $ CAN)

Dépôts à vue

Dépôts à terme

Total

Banques à charte

     

au 31/12/2008

20 398

42 721

63 119

au 31/12/2013

 51 450

 44 550

 96 000

Progression en $

 31 052

 1 829

 32 881

Progression en %

152 %

4 %

52 %

Caisses Desjardins

     

au 31/12/2008

 21 665

 50 293

 71 958

au 31/12/2013

 34 800

 51 942

 86 742

Progression en $

 13 135

 1 649

 14 784

Progression en %

61 %

3 %

21 %

Total banques et caisses

     

au 31/12/2008

 42 063

 93 014

 135 077

au 31/12/2013

 86 250

 96 492

 182 742

Progression en $

 44 187

 3 478

 47 665

Progression en %

105 %

4 %

35 %

Ce qu’on peut retenir de ce tableau :

  • À la fin de l’année 2013, les épargnants québécois détenaient plus de 182 milliards en dépôts à vue et à terme dans les institutions bancaires présentes sur le territoire, soit à peu près l’équivalent de la dette brute du Gouvernement du Québec ;
  • Ces dépôts représentaient environ 21 % de l’ensemble des actifs financiers des familles québécoises ;
  • La répartition de cet actif par le nombre de ménages québécois en 2013, donne une moyenne de 53 590 $. Per capita, tous âges confondus, on atteint 22 411 $ ;
  • Depuis la crise financière de 2008, les épargnants québécois ont joué de prudence en augmentant de 35 % la valeur de l’ensemble de leurs dépôts, principalement les dépôts à vue faciles à récupérer, mais ne générant aucun rendement (+105 %) ;
  • Le marché des dépôts à vue et à terme est partagé à environ 50-50 entre les Caisses Desjardins et les banques à charte fédérale, ces dernières ayant connu une plus forte progression (+ 52 %) que Desjardins (+20 %), notamment au chapitre des dépôts à vue (+152 %) ;
  • Mince prix de consolation toutefois pour l’épargnant québécois : en ajoutant à ceux de Desjardins, les dépôts des 2 banques sous contrôle québécois, la Nationale (40 MM $) et la Laurentienne (20 MM $), on réalise que 80 % de cet actif est administré et géré par des institutions du Québec.

À travers ces données, on peut prendre conscience de la grande frilosité du capitalien qui s’adonne à cette stratégie passive et contre-productive. Il laisse à d’autres le plaisir de récolter le fruit de son argent, sans se soucier des effets néfastes à moyen et long terme sur la pérennité de la valeur de son patrimoine. Il se dégage aussi d’une responsabilité inhérente à la philosophie « capitalienne », celle d’abord de savoir à quoi et à qui sert son épargne, mais aussi d’influencer le plus possible les choix d’investissement qui se font à partir de cette épargne.

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La semaine prochaine : les fonds d’investissement

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Normand Caron à l’émission À la une du Canal Argent ›››

Reportage de Chu Ahn Pham (TVA) et commentaires de Michel Girard ›››

Chronique de Michel Girard (JdeM) ›››

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