Bras de fer entre agents de changement et réactionnaires
14 février 2020
Dominique Lemoine
Les deux forces s’opposent au sujet des embûches que la U.S. Securities and Exchange Commission se prépare à semer sur la route des propositions d’actionnaires et des votes par procuration qui tiennent responsables les administrateurs et les hauts dirigeants des entreprises émettrices.
Dans un texte publié par le Financial Times, la directrice générale du réseau Principles for Responsible Investment, Fiona Reynolds, affirme que toute une panoplie de types d’investisseurs rejettent les intentions réglementaires de la SEC d’entraver le processus annuel de soumission de propositions d’actionnaires au vote de leurs pairs, par exemple en matière de changement climatique et d’inégalités.
Fiona Reynolds laisse entendre que la SEC chercherait à renverser le droit et le pouvoir des actionnaires acquis au fil des ans de soumettre des propositions à leurs pairs de manière à ce que les administrateurs et les hauts dirigeants s’engagent à prendre des actions correctrices spécifiques.
Selon Fiona Reynolds, les obstacles érigés par la SEC « affaibliraient l’une des méthodes les plus efficaces dont les investisseurs disposent pour générer des changements à l’intérieur du secteur privé », en particulier en excluant les petits et les moyens investisseurs du droit de soumettre des propositions sans devoir d’abord obtenir l’appui de plus gros investisseurs.
Les obstacles de la SEC incluraient d’augmenter le niveau d’appuis minimum exigé pour pouvoir resoumettre une proposition l’année suivante, ainsi que de bloquer les propositions qui perdent 10 % d’appuis sur une année, ce qu’elle justifierait par les coûts de traitement des soumissions.
Forces en présence
Les mesures envisagées par le SEC sont appuyées par des regroupements d’entreprises émettrices, comme la Chambre de commerce des États-Unis, dérangées dans leur laisser-aller par le pouvoir des cabinets-conseils en vote par procuration, selon un article publié par Pensions & Investments (P&I).
Ce dernier rapporte que des lettres d’opposition aux mesures proposées ont été transmises à la SEC par des groupes d’investisseurs, des gestionnaires d’actifs, des caisses de retraite, des représentants d’administrations publiques, des universitaires, des syndicats et des investisseurs individuels.
« Si les propositions ne sont pas modifiées, ça pourrait être un retour au pas tant que ça bon vieux temps » selon la directrice adjointe du Council of Institutional Investors, Amy Borrus, citée par P&I.
Selon Borrus, « la fureur des entreprises contre les cabinets-conseils en vote par procuration est alimentée par une nostalgie de l’époque lors de laquelle les investisseurs individuels et institutionnels votaient généralement automatiquement dans le sens voulu par la direction » et par le fait que « les chefs de direction n’aiment pas être défiés au sujet de comment et de combien ils sont rémunérés ».
« Le communauté des émetteurs espère remonter le temps, mais le train a depuis longtemps quitté la station », soutient un directeur adjoint du regroupement syndical AFL-CIO, Brandon Rees.
Temps plus lent au Ontario
Pendant ce temps, en Ontario au Canada, un comité de « modernisation » des lois de supervision de l’industrie des valeurs mobilières vient d’être formé avec uniquement à son bord cinq membres proches de cette industrie, soi-disant pour créer une approche réglementaire « plus flexible ».
Selon le directeur général du groupe Canadian Foundation for Advancement of Investor Rights (FAIR), Ermanno Pascutto, « il est décevant que les citoyens de l’Ontario, qui sont majoritairement des investisseurs individuels et des consommateurs de produits financiers, ne soient pas représentés dans ce groupe de travail ».
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