La fin des commissions divise l’industrie

9 septembre 2016
Hélène Roulot-Ganzmann, Conseiller.ca

Une rencontre confidentielle organisée par l’Autorité des marchés financiers (AMF) la semaine dernière a permis à plusieurs acteurs de l’industrie de se prononcer sur la disparition des commissions. Force est de constater que les positions divergent sur le sujet.

Après celle du mois de juin dont Conseiller avait fait état, cette nouvelle rencontre de consultations a rassemblé une centaine de joueurs de l’industrie, triés sur le volet, rapportent plusieurs sources qui ont requis l’anonymat.

Le débat portait cette fois sur la possibilité de mettre fin au système des commissions pour passer à une rémunération des conseillers par honoraires. Débat animé, selon un participant à la réunion, tant on retrouvait des positions aux antipodes.

Cette disparité d’opinions est confirmée par un sondage mené sur le site web de Conseiller, où 53,51 % des répondants se disent contre l’abolition des commissions, contre 33,55 % en faveur de leur disparition (12,94 % d’abstention).

Lors de la rencontre de l’AMF, Flavio Vani, président de l’Association professionnelle des conseillers en services financiers (APCSF) a insisté sur le fait que les principaux perdants, si une telle modification devait survenir, seraient les conseillers indépendants les plus âgés, révèle une source. Après avoir passé trente ans à développer leur clientèle, ces derniers verraient en effet leur pension de retraite perdre de la valeur.

« Si cette industrie a grandi, c’est grâce aux milliers de conseillers indépendants, réitère-t-il en entrevue à Conseiller. Notre clientèle n’est pas faite de millionnaires, mais en grande majorité de petits épargnants avec moins de 100 000 $ de placements. Ceux-là, nous allons les perdre, car à chaque fois que je rencontre un client, c’est sept à huit heures de travail. À 100 $ de l’heure en honoraires, c’est 700 $. Qui va accepter de payer ça? Avec le système des commissions, par un système de vases communicants, je suis capable de libérer du temps pour les portefeuilles plus petits. »

LE MÉDAC VEUT DES HONORAIRES

M. Vani croit que le bloc d’affaires des conseillers indépendants va perdre de la valeur et qu’il sera d’autant plus difficile de le vendre pour prendre sa retraite. Il affirme également que les jeunes conseillers auront du mal à bâtir leur clientèle, puisqu’ils démarrent justement avec de jeunes épargnants n’ayant pas beaucoup d’argent à placer au départ.

Ce point de vue est en partie partagé par la Chambre de sécurité financière (CSF), également présente à cette réunion. Dans un courriel envoyé à Conseiller, elle admet que l’abolition des commissions de suivi pourrait avoir pour effet de limiter l’accès de certains investisseurs moins fortunés à des services professionnels. Or, plusieurs études ont démontré les bénéfices tangibles que procure l’apport d’un conseiller, ajoute-t-elle.

Mais tout le monde ne partage pas cet avis et surtout pas le Mouvement d’éducation et de défense des actionnaires (MÉDAC), lui aussi présent à cette réunion. Ce dernier a rappelé qu’il militait depuis plus de vingt ans pour la disparation des commissions de suivi, selon une source.

« Oui à une commission au moment de l’achat, précise Normand Caron, responsable des formations au MÉDAC, en entrevue à Conseiller. Mais par la suite, nous sommes favorables aux honoraires. [Source ›››] Nous prônons la signature d’une entente de service entre le conseiller et son client, qui stipule le montant des honoraires. Ainsi, les règles du jeu seront claires. »

LES DÉS SONT-ILS JETÉS?

Quant à la fondation FAIR Canada, elle a questionné l’AMF sur la possibilité de tenir compte des disparités régionales, indique une source. Bannir les commissions de suivi au Québec, par exemple, pourrait déformer encore plus un marché déjà déséquilibré, souligne FAIR Canada. Un marché détenu à plus de 50 % par les banques, cas unique si l’on se compare au reste de l’Amérique du Nord et à l’Angleterre.

L’AMF dit vouloir tenir compte de cette préoccupation dans son document de consultation, attendu pour la fin de l’année ou le début 2017. Le document rappellera entre autres le contexte général et fournira des statistiques, tiendra compte du cas particulier des petits investisseurs, mettra le doigt sur les questions clés, s’intéressera aux réseaux de distribution et analysera l’impact sur la compétition. S’enchaîneront 120 jours de discussions ouvertes, incluant des forums et des tables rondes, en plus de brefs exposés, révèle une source.

« Hugo Lacroix, qui agissait à titre de porte-parole de l’AMF lors de cette réunion, a affirmé qu’aucune décision n’était prise à ce jour et que le Québec resterait souverain… mais dans l’assistance, le sentiment était plutôt que les dés étaient déjà jetés, malgré les invitations répétées de l’AMF pour soi-disant prendre le pouls de l’industrie », rapporte un participant à la rencontre.

Selon lui, les représentants de l’AMF ont insisté sur les problèmes posés par les commissions de suivi, à savoir le possible conflit d’intérêts entre les organismes de placement collectif (OPC) et les conseillers, ainsi qu’entre les conseillers et leurs clients, la différence entre la rémunération et la qualité du service, ou encore le manque de transparence.

« L’objectif de la rencontre d’aujourd’hui était de présenter les prochaines étapes de cette consultation ainsi que les principaux éléments qui seront abordés dans le document de consultation qui sera publié cet automne. Les représentants de l’Autorité ont eu aussi l’occasion d’échanger avec les intervenants du secteur des fonds d’investissement et de répondre à leurs questions », résume de son côté l’AMF dans un communiqué.

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