Des administrateurs neutralisés par l’appât du gain

Montréal, le 3 octobre 2016  La composante de la rémunération des administrateurs qui est basée sur des options et des actions dont la valeur est liée au cours boursiers influence possiblement la position des administrateurs en lien avec les changements de contrôle des entreprises d’ici.

Selon Yvan Allaire et François Dauphin , qui sont respectivement président exécutif du conseil d’administration et directeur de la recherche à l’Institut sur la gouvernance d’organisations privées et publiques (IGOPP), « cette rémunération variable devient encaissable au prix de l’offre d’achat dès qu’un changement de contrôle survient », ce qui expliquerait des décisions prises par les CA, par exemple celui de Rona.

Ainsi, à leur avis, « les dirigeants et administrateurs de sociétés manifestent plus rarement une ferme opposition aux offres d’achat ». De plus, ces derniers « sont peut-être devenus trop réceptifs à une offre d’achat même si celle-ci n’est pas dans le meilleur intérêt à long terme de la société et de ses parties prenantes », par exemple en matière de maintien ici de centres décisionnels qui favorisent l’emploi local et l’approvisionnement local.

Les administrateurs qui voudraient s’opposer à une prise de contrôle amicale ou hostile subiraient aussi la pression des commissions des valeurs mobilières canadiennes, selon qui le rôle du conseil d’administration ne serait que de tenter d’obtenir le meilleur prix possible dès qu’une offre d’achat est publique.

16 sociétés ouvertes québécoises sont vulnérables aux offres d’achat hostiles

Des 69 sociétés faisant l’objet de l’étude, 37 sont ouvertes (cotées à la Bourse), dont 11 à structure de capital à double classe d’action (avec actions à droit de vote multiple garantissant le contrôle) et 2 avec des actionnaires ne détenant pas 50 % des actions, mais quand même suffisamment de parts pour occuper une « position de contrôle » (au moins le tiers des droits de vote*) permettant de bloquer une offre d’acquisition. Aussi :

[…] seules 16 sociétés québécoises cotées en bourse et ayant des revenus de plus d’un milliard de dollars n’ont aucune protection contre une offre d’achat hostile. Ce sont Metro, Gildan, SNC-Lavalin, WSP Global, Dollarama, Valeant, TransForce, Produits forestiers Résolu, CAE, Groupe Canam, Tembec, Aimia, Uni-Sélect, Amaya, Stella-Jones et Colabor.

Arsenal à la portée des administrateurs

Allaire et Dauphin incluent, parmi les moyens de contrer ces pressions favorables à des ventes de sociétés pour de mauvais motifs, la possibilité que les conseils puissent initier des examens des avantages qui seraient octroyés aux dirigeants et administrateurs dans l’éventualité d’un changement de contrôle, de manière à ce que des « clauses cessent d’offrir un puissant incitatif à la vente de l’entreprise ».

De plus, le prix d’exercice des options et des actions détenues pourrait être établi selon le cours du titre avant que l’offre ne soit publique, afin de réduire l’avantage financier personnel des décideurs à la direction et au conseil relié à la vente.

Positions du MÉDAC aux barricades

Les principes qui sont à la base de la réflexion du Mouvement d’éducation et de défense des actionnaires (MÉDAC) en matière d’acquisition de parts dans des sociétés publiques d’ici incluent justement la défense contre des prises de contrôle étrangères.

Le MÉDAC se donne ainsi comme mission de réduire l’attrait financier personnel d’une vente pour les dirigeants et les administrateurs, de manière à protéger les intérêts de la communauté et des parties prenantes dans leur ensemble.

Par exemple, une des positions officielles du MÉDAC allant dans ce sens consiste à promouvoir l’abolition du versement de primes qui sont consenties aux détenteurs d’actions à vote multiple à la fin d’une double structure d’actions, ainsi qu’à promouvoir un traitement équitable des détenteurs des deux catégories d’actions en cas de changement de contrôle de l’entreprise.

De plus, le MÉDAC se positionne aux assemblées d’actionnaires contre les formes de rémunération des dirigeants en options et en actions, car elles ne favorisent pas la recherche de rendement à long terme.

* Le 2/3 des votes est nécessaire pour modifier les statuts de Saputo en vertu de l’article 173 de la LCSA et ceux de Cascades en vertu de l’article 240 de la LSA, en référence à la notion de « résolution spéciale » (ci-dessous). Il suffit donc du contrôle du tiers des votes pour bloquer une offre d’achat.

http://laws-lois.justice.gc.ca/fra/lois/c-44/TexteComplet.html

Loi canadienne sur les sociétés par actions

L.R.C. (1985), ch. C-44

Loi régissant les sociétés par actions de régime fédéral

Titre abrégé

1 Loi canadienne sur les sociétés par actions.

L.R. (1985), ch. C-44, art. 1; 1994, ch. 24, art. 1(F).

PARTIE I Définitions et application

Définitions

2 (1) Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente loi.

résolution spéciale Résolution adoptée aux deux tiers au moins des voix exprimées ou signée de tous les actionnaires habiles à voter en l’occurrence. (special resolution

http://legisquebec.gouv.qc.ca/fr/ShowDoc/cs/S-31.1

chapitre S-31.1

Loi sur les sociétés par actions

CHAPITRE I

CHAMP D’APPLICATION ET INTERPRÉTATION

[…]

2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n’indique un sens différent, on entend par :

[…]

«résolution spéciale» : une résolution devant être adoptée par au moins les deux tiers des voix exprimées lors d’une assemblée par les actionnaires habiles à voter sur cette résolution ou une résolution devant être signée par tous ces actionnaires;

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