La langue exclue de la diversité?
22 avril 2022
Dominique Lemoine
Pendant qu’en Angleterre l’autorité de la bonne conduite dans l’industrie financière finalise des propositions pour améliorer la divulgation de la diversité au sein des conseils d’administration des entreprises cotées, au Canada le CA de la Compagnie des chemins de fer nationaux (CN), dont le siège social est à Montréal au Québec, pourrait n’avoir aucun membre dont la première langue est le français et l’entreprise a refusé de dire à La Presse si ses candidats parlent français.
En Angleterre, la Financial Conduct Authority (FCA) a affirmé mercredi avoir finalisé des règles pour exiger que les entreprises cotées divulguent des informations par rapport à des cibles établies d’avance concernant la représentation des femmes et des minorités visibles à leur conseil d’administration et au sein de leur haute direction, de manière à « rendre plus facile pour les investisseurs de constater la diversité des équipes de direction » des entreprises cotées.
Ces règles sont appliquées à partir du 1er avril 2022. Les entreprises qui n’atteindront pas les cibles devront expliquer pourquoi. Selon la FCA, ces règles doivent permettre d’accélérer le rythme du progrès en matière de diversité et d’inclusion dans l’industrie financière, dans un contexte où les investisseurs accordent de plus en plus d’importance à la diversité, à la transparence et à la reddition de comptes au sommet des entreprises dans lesquelles ils investissent.
Le CN déçoit la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ)
Ici, une entreprise cotée, le CN, dont le siège social est situé dans la métropole d’une minorité linguistique du Canada et de l’Amérique du Nord, n’a pour l’instant retenu aucun candidat ni aucune candidate dont la première langue est celle de la minorité linguistique en question pour combler les sièges de CA libérés par Jean Charest, Julie Godin et Jean-Jacques Ruest.
De plus, toujours selon La Presse, le CN n’a pas voulu dire si les candidats et les candidates qui ont été retenus jusqu’à maintenant, et qui sont mentionnés dans sa circulaire envoyée aux actionnaires en prévision de son assemblée annuelle et des votes d’actionnaires du 20 mai 2022, c’est-à-dire deux Américains et une Albertaine, maîtrisent ou non le français.
« Il est pour le moins surprenant qu’ils n’aient pas pu trouver de candidats francophones qualifiés résidant au Québec. Nous leur avions pourtant parlé à plusieurs reprises et les avions encouragés à mieux représenter leurs parties prenantes. Ce manque de représentation francophone […] est tout simplement inacceptable. Nous sommes extrêmement déçus que le CN ne tienne pas compte de cet aspect important dans la composition de son conseil d’administration », selon le porte-parole de la CDPQ, Maxime Chagnon, dont les propos ont été rapportés par La Presse.
Impressions de déjà-vu?
Selon un spécialiste en gouvernance, droit et éthique à l’Université York à Toronto, Richard Leblanc, cité par La Presse, « cela envoie un signal aux cadres et travailleurs francophones qu’ils sont l’équivalent de citoyens de seconde classe » et « le tiers des [onze] membres [du conseil d’administration du CN] devraient être originaires du Québec ».
« La diversité, on la met à toutes les sauces, mais pas pour la langue. C’est un signal assez maladroit. On ne voit même pas la question linguistique dans les listes qui vantent les qualités des administrateurs », a fait remarquer Ivan Tchotourian, professeur spécialisé en gouvernance à l’Université Laval et administrateur au MÉDAC, lui aussi cité par La Presse.
Selon les propos de ce dernier rapportés par La Presse, le CN met en valeur des cibles en matière de diversité au sein de son CA et de sa haute direction, par exemple en matière de genre, mais « le concept ne semble pas s’appliquer à la langue ».
En guise de défense, la CN a notamment laissé entendre que la langue de communication des gens est une question de choix. À son avis, l’important est que les employés et les communautés puissent communiquer « dans la langue de leur choix ».
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