Il faut une société responsable pour avoir un marché responsable
24 septembre 2021
Dominique Lemoine
Mark Carney affirme que son livre publié en 2021, Value(s): Building a Better World for All, met de l’avant l’idée selon laquelle « il existe une relation bidirectionnelle entre les valeurs de notre société et les valeurs au sein du marché ».
Mark Carney l’auteur, banquier, économiste et envoyé spécial de l’ONU a accordé une entrevue au directeur du journal Le Devoir, Brian Myles, lors de l’édition 2021 de la Conférence annuelle de l’Association de la retraite et des avantages sociaux du Québec.
Lui-même aussi dirigeant en investissement environnemental chez Brookfield Asset Management, Carney s’adresse avec son livre aux investisseurs, dirigeants en investissement, gestionnaires des politiques des nations et à toutes autres parties intéressées.
Un marché et des entreprises à l’image de la société
« La plupart des gens ont des valeurs de solidarité et prennent des initiatives pour le voisin ou d’autres gens dans leur ville. Nous avons une fondation, on peut bâtir sur ça […] Le marché est une convention sociale. Des règles et valeurs appuient le marché. On peut augmenter et renforcer les règles », dit-il.
Carney considère que ces valeurs sociales « ont un effet direct sur la valeur au sein du marché », ainsi qu’un « impact sur la fréquence et la sévérité des crises économiques et financières, et un impact sur la résilience des institutions et des sociétés ».
Selon lui, « l’efficacité du marché dépend de valeurs sociales comme la responsabilité et la résilience ». De plus, « la crise financière mondiale de 2008 a été causée en partie par l’érosion de valeurs » sociales. Par ailleurs, « si la société établit des hiérarchies de valeurs qui privilégient certains objectifs ou certains débouchés, dans ce cas, la valeur dans le marché pourra être une force puissante pour soutenir ces valeurs sociales ».
Incruster les intérêts de la société dans le marché
« Les faillites des marchés en combinaison avec les faiblesses humaines vont produire des résultats presque inacceptables dans les grands domaines du climat et de l’égalité. Il faut avoir une combinaison des marchés, de politiques gouvernementales, ainsi que des objectifs, des préférences et des valeurs des parties intéressées », soutient-il.
Par exemple, Carney mentionne que « si le gouvernement est clair, crédible, prévisible et constant avec les grands objectifs, le marché va s’organiser pour les atteindre », incluant pour atteindre des objectifs climatiques négociés à l’international.
Autre exemple, le gouverneur de la Banque du Canada pendant la crise financière de 2008 retient de son mandat la planification de ses prédécesseurs, la prévoyance du pire pendant les périodes de calme, la protection contre les risques et la prudence, ainsi que des décisions de dirigeants d’autres institutions, comme facteurs qui ont contribué et qui contribuent encore à la gestion de panique, à la résilience et à la solidité du système financier et de l’économie d’ici, dont celles des fonds de pension.
À son avis, la crise sanitaire a été une épreuve réussie par le système financier d’ici, notamment parce que le gouvernement a appuyé des individus et des entreprises afin de remplacer des parties arrêtées des économies du Québec et du reste du Canada.
Prochaines épreuves de résistance pour les banques
Désormais, selon lui, les institutions financières et les gestionnaires de portefeuille doivent se munir notamment de protections contre les risques de cyberattaques, de même que gérer et rapporter leurs risques liés aux changements climatiques.
« Il faut avoir des gens qui reconnaissent qu’ils font partie d’un système et qu’ils sont les gardiens des institutions, et qui ont un horizon à long terme », ajoute Carney.
Puisque des gestes n’ont pas toujours de prix ou de valeur, notamment en raison d’une « faiblesse humaine » qui n’accorde pas assez de valeur au futur comparativement au présent, Carney propose, notamment dans son livre, qu’une « société de marché » en remplacement d’une « économie de marché » pourrait permettre à des États de « donner un prix estimé à des actions, ou à des services sacrés, comme la charité, de commencer à payer pour la charité », pour que cela génère un effet boule de neige dans le secteur privé.
Par exemple, il laisse entendre que sous l’impulsion des États et des sociétés, « les projets d’entreprises qui contribuent à la réduction des gaz à effet de serre vont créer de la valeur », en termes d’actifs, d’emplois, d’énergies, de marchés et de placements durables.
Lire aussi :
Des banques d’ici, ni cheffes de file ni premières de classe ›››