Guerre de mots sur champ de bataille capitaliste

2 avril 2021
Dominique Lemoine

Des actionnaires de Danone ont eu la tête de leur chef de la direction, Emmanuel Faber, sur la base d’une baisse des rendements, mais le capitalisme de parties concernées n’est « malheureusement » pas encore mort, selon le canadien Terence Corcoran, tandis que Bill Ackman revient à la charge avec son capitalisme à polir.

Le chroniqueur Terence Corcoran, du Financial Times, supplément financier du quotidien canadien-anglais National Post, s’est réjoui de cette défaite de l’un des champions de l’adhésion des entreprises à des raisons d’être qui englobent davantage que la simple conquête de profits pour les actionnaires.

En s’appropriant pour lui-même et pour son propre camp le champ lexical des révolutions, Corcoran a souligné le « renversement » du chef de la direction de la société multinationale alimentaire française Danone par des actionnaires au mois de mars, ainsi que lancé un appel au « déboulonnage » de toutes les « statues ESG ».

Faits alternatifs

Pour mieux rallier ses lecteurs conservateurs et chauvins contre le capitalisme de parties concernées et les objectifs environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG), Corcoran essaye de les rendre coupables d’association au militantisme, et d’implanter l’idée qu’une intrigue mondiale s’ingère pour les « imposer à travers le monde », menée par Mark Carney, l’ONU, la Banque mondiale et la « gauchiste » U.S. Rockefeller Foundation.

Dans le monde de Corcoran, l’existence d’une révolte de certains actionnaires et investisseurs contre le capitalisme à vocation unique est imaginée, mais le coup contre Faber résulte d’une « véritable révolte d’investisseurs » et d’un véritable « esprit révolutionnaire » menés par un tout « petit » fonds (Bluebell) contre le tout-puissant mouvement ESG, bien que ce « petit » fonds ait été fondé par un ancien de Morgan Stanley et Goldman Sachs.

Ainsi, dans son monde, la « résistance » des actionnaires et la « chute de Faber » doivent servir de « leçon » aux « activistes ESG » et aux dirigeants qui comme Faber ont des objectifs « corporatistes », mais lui-même et son propre camp ne sont certainement pas des activistes du statu quo et leurs objectifs sont certainement altruistes.

Riposte

Dans le camp légèrement adverse, l’investisseur notoire Bill Ackman affirme que ce sont plutôt les entreprises qui défendent le statu quo et qui ne tiennent pas compte de critères ESG qui doivent demeurer sur leurs gardes pour ne pas être punis par la rue.

« Le capitalisme est loin d’être parfait » et des consommateurs, des investisseurs et d’autres parties concernées « ont commencé à éviter les entreprises qui contribuent au changement climatique ou qui ne traitent pas bien leurs employés », ainsi qu’à « récompenser les entreprises dont les pratiques durables et responsables » améliorent le sort de la société et de la planète, soutient Ackman.

Contrairement aux actionnaires qui ont fait pression contre Faber sur la base d’une baisse des rendements, Ackman et le fonds d’investissement qu’il dirige, Pershing Square Capital Management, se disent prêts à être « d’un grand soutien envers les investissements qui réduisent les gains à court terme, mais qui accroissent à long terme la valeur nette actualisée » des entreprises.

La publication Fortune, par l’entremise de la plume de David Meyer, s’autoproclame elle aussi « championne » d’un capitalisme de parties concernées inclusif, alors que « l’inégalité économique ne cesse de s’aggraver », et qu’il devient « clair même pour la plupart des capitalistes qu’actuellement le système ne fonctionne pas pour tout le monde comme il le devrait ».

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