Réformer le capitalisme pour lui éviter la guillotine

9 décembre 2019
Dominique Lemoine

Sur la sellette à travers le monde dans des procès populaires des excès du capitalisme, des privilégiés du milieu des multinationales s’offrent un manifeste en faveur d’une variation du système établi qui favorise leurs intérêts.

Selon le texte de justification du manifeste publié par le World Economic Forum (WEF) en prévision du forum annuel de Davos en janvier prochain, signé par son fondateur et président de la direction Klaus Schwab, « nous devons bien répondre à la question ‹ Quel capitalisme voulons-nous? › si nous voulons maintenir notre système économique pour les générations futures » et « nous devons saisir ce moment pour s’assurer que le capitalisme de parties prenantes demeure le nouveau modèle dominant ».

Le capitalisme de parties prenantes (pour stakeholder capitalism en anglais) y est défini comme étant un modèle dans lequel les entreprises privées sont en position d’être les fiduciaires ou les administrateurs de l’ensemble de la société, donc que leur rôle dépasse la maximisation des profits pour les actionnaires, et que l’État et les élus du peuple sont maintenus à l’écart de décisions liées à la direction de l’économie et des ressources.

Le capitalisme s’occupe de notre bien?

Dans ce modèle voulu universel, résoudre les défis sociaux et environnementaux serait le rôle des entreprises privées et de leurs dirigeants, ces dernières étant considérées comme étant des « organismes sociaux ». Elles seraient responsables de ne pas se déconnecter de l’économie réelle et de ne pas rechercher que des résultats à court terme, ainsi que d’ouvrir des marchés commerciaux convoités.

Selon le WEF, « améliorer l’état du monde dans lequel elles opèrent », au-delà de leurs obligations légales, devrait être la raison d’être ultime des entreprises et de leurs dirigeants.

Le capitalisme de parties prenantes serait ainsi assez différent du capitalisme d’actionnaires (shareholder capitalism en anglais) pour qu’y adhérer soit suffisant, par exemple, pour protéger les générations futures contre l’instabilité environnementale.

Le régime patronal en mode concessions

Selon le WEF, « les dirigeants et les investisseurs ont commencé à reconnaître que leur propre réussite à long terme est étroitement liée à la réussite de leurs clients, employés et fournisseurs », et des gens des générations Y et Z « ne veulent plus travailler, investir ou acheter auprès d’entreprises qui manquent de valeurs ».

Le WEF offre donc à la main-d’oeuvre et aux consommateurs des concessions, par exemple que les entreprises paient leur « juste part » de taxes et impôts, qu’elles ne montrent aucune tolérance envers la corruption, qu’elles maintiennent les droits humains à travers leurs chaînes d’approvisionnement et de production, et qu’elles privilégient la concurrence aux barrières à l’entrée.

Le respect des principes revendiqués serait mesuré grâce à de nouveaux indicateurs de performance, par exemple la « création de valeur partagée », et la rémunération des dirigeants serait alignée sur la « création de valeur partagée à long terme ».

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