Bonne gouverne ou doctrine
28 août 2020
Dominique Lemoine
Les dirigeants de l’Institut sur la gouvernance d’organisations privées et publiques (IGOPP) critiquent la responsabilité sociale d’entreprise (RSE) en la qualifiant de culte et de doctrine, les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) en les qualifiant de religion, ainsi que l’écologie environnementale en laissant entendre qu’elle aurait été élevée au rang de sainteté.
« De grands actionnaires institutionnels se sont récemment convertis à l’église de la sainteté écologique et de la responsabilité sociale. Selon cette nouvelle idée, les entreprises doivent dorénavant rendre des comptes pour leur performance financière, mais aussi pour leur atteinte de cibles en matière d’environnement (E), de société (S) et de gouverne (G) », ont notamment écrit les dirigeants de l’IGOPP, Yvan Allaire et François Dauphin, dans le Globe and Mail en août.
Rappelons que la responsabilité sociale des entreprises (RSE) est un principe, que les critères ESG font partie du principe de la RSE, et que l’écologie est une science, selon Le grand dictionnaire terminologique, aisément consultable.
De plus, l’idée pas si nouvelle que les administrateurs et les dirigeants d’entreprises devraient normalement agir en tenant compte des intérêts de l’ensemble des parties intéressées, des intérêts à long terme de la société, ainsi que de l’environnement, est même déjà écrite depuis 2019 dans la Loi canadienne sur les sociétés par actions (art. 122).
Yvan Allaire et François Dauphin conviennent néanmoins que le capitalisme à vocation unique de fournir du rendement aux actionnaires est désormais « tenu pour responsable de l’inégalité qu’il produit en termes de richesse et de revenus, et de la dévastation environnementale qu’il a causée ».
Un salut qui provient du bas de l’échelle
L’ambiguïté de l’IGOPP et de ses dirigeants sur l’enjeu de la prise en compte par les entreprises des externalités environnementales et sociales qui affectent leurs communautés contraste avec les attentes des employés et des consommateurs.
Par exemple, 59 % des Canadiens s’attendent à ce que les entreprises prennent position au sujet de l’égalité et du racisme, selon un sondage Fleishman Hillard High Road. Les gens veulent voir du changement et des actions, soutient la présidente de cette agence de communication.
« La recherche a démontré qu’il est plus probable que les gens achètent des produits d’entreprises qui se battent pour quelque chose », mentionnait un texte publié par Business Insider en juin.
ISS « enfin tenu en laisse », selon l’IGOPP
Le cabinet-conseil Institutional Shareholder Services (ISS) fournit aux actionnaires institutionnels des recommandations de votation qui tiennent compte d’externalités environnementales et sociales en prévision des votes d’actionnaires aux assemblées des entreprises dont ils détiennent des actions.
L’IGOPP s’est dit en août « particulièrement satisfaite » par des amendements réglementaires adoptés en juillet par la U.S. Securities and Exchange Commission (SEC) de l’ère Donald Trump.
Se faisant, l’IGOPP se range derrière les entreprises conservatrices et les politiciens qui laissent entendre que la mise en valeur par les cabinets ISS et Glass Lewis de la prise en compte de facteurs environnementaux et sociaux dans les décisions des entreprises résulte de conflits d’intérêts.
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