Le conseil d’administration peut lui aussi empoisonner le climat de travail

24 juillet 2020
Dominique Lemoine

La structure du Musée des beaux-arts de Montréal (MBAM) et son conseil d’administration (CA) ne sont pas des modèles d’avant-garde et de chef de file dans l’art de la bonne gouverne des organisations.

Selon l’administratrice de sociétés Monique Jérôme-Forget, sur la base du témoignage d’un membre du CA du MBAM, la directrice générale du MBAM Nathalie Bondil et son comité de direction ont été exclus d’une décision finale du CA du MBAM concernant l’embauche de Mary-Dailey Desmarais en tant que directrice de la conservation, le CA s’accaparant ainsi le pouvoir et la compétence de la haute direction de choisir elle-même ses propres subalternes.

Dans une correspondance dont une copie a été obtenue par Le Devoir, Nathalie Bondil affirmait que des « personnes qui sont juges et parties » formaient le jury responsable de mener les entretiens de sélection avec les quatre candidats pour le nouveau poste à la direction de la conservation, mais pas les membres de son comité de direction.

De plus, selon Monique Jérôme-Forget, le président du CA du MBAM, Michel de la Chenelière, se serait « arrogé le droit de donner des directives à des membres du personnel », pas seulement de leur parler, et des réunions du CA auraient eu lieu entièrement à huis clos, pas juste à la fin, sans la présence de la direction générale ou d’un expert du Musée, d’autres façons d’empiéter sur le territoire et les pouvoirs de la haute direction.

Conseil d’administration expansionniste et hors norme

Le MBAM est une personne morale sans but lucratif semi-publique financée par des donateurs privés et par l’État. Il compte 21 administrateurs, dont 9 nommés par l’État.

S’il était un organisme à but non lucratif complètement privé, la taille de son CA ne devrait pas dépasser 11 ou 13 administrateurs, selon les cabinets-conseils Gouvernance Expert et Arsenal Conseils.

S’il était une société d’État, la taille de son CA serait d’entre 9 et 17 membres, selon les pratiques actuelles.

S’il était une grande entreprise, la taille de son CA serait d’entre 7 et 15 administrateurs, selon Arsenal.

Le cabinet-conseil Glass Lewis déconseille que la taille du CA d’une grande entreprise soit de plus de 20 membres.

Dans tous les cas, la quantité actuelle d’administrateurs au MBAM dépasse les goûts et les tendances d’aujourd'hui.

Rapports de force et détournement d’abus

Contrairement à ce que laissent entendre Yvan Allaire de l’Institut sur la gouvernance d’organisations privées et publiques (IGOPP) et le milliardaire Stephen A. Jarislowsky, la partie en position de force dans cette affaire pourrait être le CA, et celle en position de faiblesse la dirigeante principale, qu’ils accusent respectivement de « gestion impérieuse », ainsi que d’avoir « abusé de la faiblesse du CA » et eu des « priorités » à elle qui seraient allées à l’encontre des intérêts de « parties prenantes », soit « les employés, les clients, les fournisseurs, la communauté locale et naturellement les actionnaires ».

Diminuer le nombre d’administrateurs pourrait être un premier pas pour réduire les apparences de favoritisme et de trafic d’influence, en écartant de ce service public des membres de CA « qui sont juges et parties », ainsi que des parties intéressées qui sont d’abord et avant tout prenantes, pour elles-mêmes ou pour d’autres, même parmi les soi-disant philanthropes.

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