La pensée unique mine les hautes instances
19 juin 2020
Dominique Lemoine
Pour faire belle figure sans perdre le contrôle, des conseils d’administration engagent des femmes et des personnes de minorités visibles dont le point de vue et les opinions sont conformes aux attentes des cercles habituels, tandis que d’autres organisations se trouvent des moyens technologiques pour filtrer les questions des parties intéressées aux assemblées annuelles virtuelles des actionnaires.
Un texte écrit par le chef de l’exploitation et avocat général d’un cabinet-conseil en placement à long terme, et publié par le Harvard Business Review (HBR), met en doute la véritable diversité des manières de penser et d’agir aux conseils d’administration (CA), malgré la lente augmentation des nombres de femmes et de personnes de minorités visibles qui y siègent.
À son avis, la performance des organisations peut bénéficier à long terme d’une plus grande diversité démographique et cognitive aux instances décisionnelles, à condition que leur culture d’entreprise valorise l’expression et tienne compte véritablement des points de vue de leur diversité sur papier.
« Vous pouvez avoir toute le diversité du monde, mais ça ne change rien si vous n’avez pas la bonne culture », affirme une administratrice interviewée dans le cadre de l’étude rapportée.
Selon un texte publié par le Financial Times (FT), des dirigeants qui se fonts champions de la diversité et de l’inclusion sont désormais sous pression pour passer de la parole aux actes et corriger l’homogénéité des équipes qu’ils rassemblent autour d’eux.
« Les conseils divers évitent les dangers de la pensée de groupe en rassemblant un plus large éventail de réseaux et d’expérience, ainsi qu’en aidant les entreprises à mieux comprendre leurs clients », et « les équipes diverses stimulent l'innovation et performent mieux », selon la présidente du Center for Talent Innovation, dont les propos sont rapportés par FT.
Tentations de réduire au silence la dissidence
La pensée de groupe pourrait aussi être favorisée par les technologies et les procédures des assemblées annuelles virtuelles des actionnaires, selon un autre texte publié par FT.
« Des doutes existent au sujet de la possibilité de remettre en question la direction selon ces procédures et que des questions difficiles peut y être aseptisées. Même si des questions peuvent être posées en direct, il n’est pas évident que les actionnaires peuvent s’assurer que des enjeux difficiles ne sont pas ignorés. Les systèmes de gestion des questions commercialisés par des tiers et utilisés par les entreprises pourraient aussi favoriser les questions les plus faciles », peut-on y lire.
De plus, selon un observateur de l’intérieur des assemblées virtuelles 2020, « poser des questions était facile, obtenir des réponses ne l’était pas ».
À son avis, les problèmes liés à la soumission des questions à l’écran, avant ou pendant l’assemblée, étaient que vous n’aviez aucune idée si vous alliez obtenir une réponse à votre question à l’assemblée ou à un quelconque autre moment, et que vous ne pouviez pas lire ou écouter aucune des autres questions posées.
Bref, imposer une culture d’entreprise qui uniformise le comportement de l’ensemble des parties intéressées à une organisation peut entrer en contradiction avec tenir compte de la richesse des points de vue et des expériences de l’ensemble de ces parties intéressées, donc nuire à la durabilité des rendements et à la survie de l’organisation.
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