Une « taxe Google » dans l’arsenal législatif du peuple
21 octobre 2016
Dominique Lemoine
De manière à gagner une des batailles de l’épreuve de forces fiscales avec des entreprises du secteur numérique telles que Google, des États commencent à envisager un impôt sur les bénéfices qui sont détournés par des multinationales, en particulier des géants Internet.
Pour l’instant, selon François Meloche, directeur et associé chez Aequo, ainsi que promoteur de l’investissement responsable au Québec, et dont des propos sont cités par Le Devoir, « l’État ne joue pas à armes égales avec les entreprises et les particuliers qui s’efforcent de minimiser leurs pertes fiscales ».
Meloche précise que « les agences fiscales [des États] ont nettement moins accès aux ressources et à l’expertise que les armées de fiscalistes qui travaillent dans les entreprises du secteur privé. La guerre est très inégale et c’est un problème ».
Avancées prometteuses
Dans ce contexte, une taxe de type « taxe Google » comme fer de lance pourrait permettre aux administrations publiques de cibler des sociétés, notamment des géants Internet, qui camouflent des profits ailleurs que sur le territoire où ces profits ont été réalisés.
Au Royaume-Uni, une « taxe Google » a été mise en place en avril 2015, selon Le Monde. Cette taxe dissuasive fonctionnerait en imposant à 25 % les bénéfices détournés par des multinationales. Ce taux est plus élevé que le 20 % appliqué aux profits normaux des sociétés, « une façon de les inciter à abandonner toute mauvaise pratique et à payer l’impôt normal sur les sociétés ».
« L’objectif de la ‹ taxe Google › est de mettre fin aux pratiques de grandes multinationales qui déclarent artificiellement des profits dans des pays à faible opposition, alors que leur chiffre d’affaires est réalisé ailleurs. Les géants de l’Internet — de Google à Amazon — se sont particulièrement illustrés en la matière », rapportait Le Monde à l’époque.
Qualité du renseignement au sujet des interstices du système
Par contre, le défi d’une telle taxe serait de parvenir à identifier les bénéfices détournés. Il pourrait s’agir de bénéfices issus des activités d’une entreprise qui vend à des clients du Royaume-Uni par l’entremise d’un site Internet dont l’identité juridique serait enregistrée ailleurs. Il pourrait aussi s’agir de bénéfices tirés d’entrepôts ou d’employés au Royaume-Uni, des flèches dirigées contre Amazon.
De plus, il pourrait s’agir de « transactions intra-entreprises » pratiquées par des multinationales, par exemple par l’entremise d’un prêt réalisé par la filiale luxembourgeoise d’une société qui doit ensuite être remboursé par la filiale britannique de la même société, permettant ainsi de réduire les bénéfices imposables de la filiale du Royaume-Uni.
Sensibilisation populaire au Québec
Lors d’une conférence organisée par le Mouvement d’éducation et de défense des actionnaires (MÉDAC) le 17 octobre dernier, l’auteur Alain Deneault a lui aussi expliqué ce mécanisme de transactions entre filiales d’une même société, par l’entremise de fausses factures émises par une filiale qui est située dans une législation de complaisance mais payables par une filiale qui est située dans une législation contraignante, ce qui permet de réduire les bénéfices imposables de la filiale qui est située sur le territoire le plus imposé.
Deneault avait aussi abordé la question des bénéfices qui sont réalisés par des multinationales sur un territoire donné sans y avoir d’activités substantielles réalisées dans l’économie locale réelle et matérielle de ce même territoire, par l’entremise d’ordinateurs localisés ailleurs et de jeux d’écriture, par exemple en matière d’exportation de bananes à partir de l’île Jersey dans la Manche…
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