Des fonds qui misent sur le Québec

Ces produits ont des rendements qui se distinguent.

16 août 2018
Yan Barcelo, Finance et Investissement

Les clients ont accès à quatre fonds d’investissement centrés sur le Québec et ses entreprises. Il s’agit d’un phénomène unique, car ils ne trouveront pas de fonds équivalents centrés sur l’Ontario, l’Alberta, la Nouvelle-Écosse ou n’importe quelle autre province, excepté sur la Colombie-Britannique avec le British Columbia Discovery Fund.

Cette exclusivité québécoise tient évidemment à la fibre nationaliste qui vibre au Québec. Bon nombre d’investisseurs, partout dans le monde, visent à investir près de chez eux, mais au Québec, cette tendance se double d’un désir d’investir « près de “chez nous” », comme le fait ressortir Marc Lecavalier, vice-président et gestionnaire principal, chez Corporation Fiera Capital, du Fonds Croissance Québec BNI, commandité par Banque Nationale Investissements.

Cette fibre nationaliste a atteint le monde de l’investissement québécois dans les années 1980 avec la création par le gouvernement québécois du fameux Régime d’épargne-actions (REA), une mesure fiscale accordée aux contribuables qui investissaient dans des entreprises du Québec.

L’économie « distincte »

La principale dynamique qui soutient ces fonds centrés sur le Québec tient à l’économie très « distincte » de la province. « On a un bassin d’entreprises plus diversifié qu’ailleurs, affirme Marc Lecavalier. Dans les autres provinces, on ne peut pas reproduire une aussi grande diversification. »

Cette diversification crée un profil très différent de celui de l’indice-phare de Toronto, le S&P/TSX. Un exemple frappant : dans deux des fonds qui misent uniquement sur des entreprises « 100 % pure laine », on trouve une part très faible des secteurs qui forment l’essentiel de l’indice S&P/TSX : financières, matières premières, énergie. On observe plutôt en forte proportion des titres industriels, de consommation de base et de consommation discrétionnaire. Un tel profil ressemble davantage à l’indice S&P 500 qu’au S&P/TSX, note Christine Décarie, vice-présidente senior et gestionnaire de portefeuille du Fonds d’entreprises québécoises Investors, chez Placements Mackenzie.

Ce profil particulier fait en sorte que « la performance des entreprises québécoises a largement dépassé celle des entreprises canadiennes, beaucoup liées à l’énergie et aux matières premières », fait ressortir Christian Felx, gestionnaire de portefeuille, stratégie systématique, chez Investissements Desjardins, et qui supervise le fonds Desjardins Équilibré Québec.

Le fonds que supervise Christian Felx manifeste de façon éloquente la distinction québécoise.

« Notre portefeuille est surpondéré de 25 % dans les produits de consommation, dit-il, et de 25 % aussi dans les produits industriels ; dans les financières, il est sous-pondéré, à 20 %. »

Même son de cloche de la part de Marc Lecavalier. « On ne dispose pas de titres liés à l’énergie et de très peu liés aux aurifères, dit-il, alors que le S&P/TSX est composé à 18,25 % d’énergie et à 35 % de financières. Dans notre fonds, le seul titre financier est celui de la Banque Nationale, pour une portion de 1,25 %. »

Seul fonds équilibré de notre palmarès, celui de Desjardins détient 40 % d’obligations, dont la part du lion, soit 87 %, est émise par le gouvernement québécois, la moyenne affichant une duration de 6,5 années. Ces obligations bénéficient de vents très favorables à l’heure actuelle, explique Alain Rhéaume, gestionnaire de la portion obligataire du portefeuille. L’écart qui les séparait des obligations de l’Ontario s’est rétréci à seulement quelques points de base grâce à la meilleure gestion de sa dette qu’effectue le gouvernement du Québec.

La plus haute cote

La performance de tous ces fonds les fait briller dans leur catégorie respective, et tous obtiennent une cote cinq étoiles de Morningstar. Dans la catégorie « actions de PME canadiennes », le fonds Croissance Québec BNI se démarque par un rendement remarquable de 16,24 % sur cinq ans, et de 11,72 % sur 10 ans.

Ce rendement tient en grande partie à la forte teneur du portefeuille en titres de petite capitalisation, qui « occupent habituellement les deux tiers du portefeuille, dit Marc Lecavalier. C’est là que sont les meilleures occasions de croissance. Évidemment, ce n’est pas une règle que je suis à la lettre, car mon processus de sélection de titres est ascendant ». Mais ce processus « bottom-up » le fait souvent aboutir spontanément dans des titres de petite capitalisation et même de micro-capitalisation.

Le FNB First Asset indice Morningstar Québec Banque Nationale est d’un calibre aussi élevé. Il suit l’indice Morningstar Québec Banque Nationale, composé de soixante titres. Sa performance le hisse nettement au-dessus de son indice de référence, le S&P/TSX. Au 31 mai, pour une période d’un an, il affiche un rendement de 11,84 % contre 7,75 % pour l’indice de Toronto, et pour cinq ans, de 13,47 % contre 8,05 %.

Comme le fonds de Desjardins, celui de BNI est strictement centré sur le Québec. On n’y trouve que des entreprises dont le siège social est situé au Québec et dont une large part d’activité se concentre ici.

La recette est moins « pure » dans le Fonds d’entreprises québécoises Investors. Ce fonds privilégie les entreprises dont le siège social se situe au Québec, de même qu’une part importante de leurs revenus ou de leurs actifs. Mais cela admet des titres comme ceux de la Banque Royale du Canada ou de la Banque de Montréal. Ici, les titres « pure laine » représentent environ 75 % du portefeuille.

Forcément, certaines entreprises trouvent place dans les quatre portefeuilles, ou tout au moins dans une majorité d’entre eux. C’est le cas d’Alimentation Couche-Tard, de Groupe SNC-Lavalin, de Quincaillerie Richelieu, un titre que Christine Décarie affectionne tout particulièrement. « La quincaillerie est un marché en hausse, dit-elle, tout particulièrement grâce à des produits de plus en plus performants qui se vendent à prime. C’est un créneau où Richelieu s’est très bien positionné au fil des années. Et maintenant, ils s’étendent aux États-Unis, d’abord par croissance interne, et de plus en plus par acquisitions. »

Ces portefeuilles contiennent une foule de titres qui, pour un observateur habitué du S&P/TSX, constituent des raretés, pour ne pas dire des « perles rares », surtout dans le fonds que gère Marc Lecavalier. On y découvre des titres comme Logistec, par exemple, « qui prend place parmi nos “top 10”, mais qu’on ne trouve dans aucun autre portefeuille au Canada », dit-il.

On note aussi MTY Food Group et Kahala Brands, deux consolidateurs en croissance effrénée du secteur de la restauration. « J’aime beaucoup les consolidateurs. Mais parce que le marché est trop peu profond pour assurer une croissance organique, il faut le plus souvent combiner croissance interne et croissance par acquisitions. Dans une grande mesure, c’est la clé du succès de notre gestion. »

Les autres gestionnaires interviewés ici pourraient sans doute en dire autant.

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