Les banques échapperont-elles à la Loi sur la protection du consommateur?
18 novembre 2016
La rédaction, Conseiller.ca
Un projet de loi fédéral pourrait mettre les banques œuvrant au Québec à l’abri des dispositions de la Loi sur la protection du consommateur, privant les clients de certains recours légaux.
Le projet de loi C-29, présentement à l’étude au parlement fédéral, propose des modifications importantes à la Loi sur les banques. Il prévoit notamment de réunir les dispositions relatives à la protection des consommateurs actuellement dispersées dans une partie de la Loi sur les banques. Mais il va beaucoup plus loin en affirmant la prépondérance du gouvernement fédéral sur les gouvernements provinciaux en matière de protection des consommateurs de produits et services bancaires et en matière de pratiques commerciales des banques.
Le jugement qui choque
En d’autres termes, les lois et règlements fédéraux dans ce domaine s’appliqueront, si le projet de loi est adopté, sans égard à la Loi sur la protection du consommateur (LPC). En septembre 2014, dans le cadre de l’affaire Marcotte, la Cour suprême du Canada soutenait que, dans l’état actuel du droit, les banques sont assujetties à la LPC. Les grandes banques canadiennes faisaient alors face à des recours collectifs leur reprochant d’avoir manqué à certaines de leurs obligations en vertu de la LPC quant à la divulgation des frais de conversion de devises étrangères par les institutions émettrices de cartes de crédit.
Les banques soutenaient que la LPC ne s’appliquait pas à elles, puisqu’elles relevaient de la loi fédérale sur les banques. Le paragraphe 91 de la Loi constitutionnelle de 1867 confère au parlement fédéral une compétence exclusive sur les banques. Selon la doctrine de l’exclusivité des compétences, une loi provinciale comme la LPC ne pourrait donc empiéter sur un domaine relevant du gouvernement fédéral. C’était du moins la prétention des avocats des banques.
Mais la Cour suprême avait fait une distinction importante. La Loi sur les banques concerne le prêt d’argent et la conversion de devises, ce que la LPC ne lui dispute pas. Cette dernière ne fait qu’exiger que les frais de conversion soient mentionnés aux consommateurs. Elle ne porte donc pas atteinte aux activités sous compétence fédérale. La Cour suprême jugeait qu’il était possible que les deux juridictions aient des législations complémentaires. Les banques avaient dû payer environ 32 millions de dollars en remboursement à leurs clients.
Que fait le gouvernement québécois?
Le projet de loi C-29 viendrait donc modifier la loi pour éviter que la LPC s’applique aux activités des banques. Le résultat d’un puissant lobby, qui n’a jamais accepté la décision de la Cour suprême dans l’affaire Marcotte, croit Daniel Thouin, président du Mouvement d’éducation et de défense des actionnaires (MÉDAC). Mis au courant par Conseiller, il ne décolère pas depuis qu’il a pris connaissance du projet de loi.
« Le gouvernement a adopté la LPC pour protéger les consommateurs, je ne vois pas pourquoi les banques y échapperaient, lance-t-il. Elles ont respecté cette loi jusqu’à maintenant. Qu’est-ce qui a changé? Elles s’offusquent d’avoir payé 32 millions de dollars d’amende dans l’affaire des frais de conversion. Mais elles ont dû payer parce qu’elles étaient dans le tort, c’est aussi simple que ça. Cela démontre bien les conséquences que pourrait avoir cette nouvelle loi. Elle privera de recours les consommateurs, même dans les cas où ils ont un motif raisonnable de se plaindre. »
M. Thouin s’étonne aussi de la passivité du gouvernement québécois de Philippe Couillard dans cette affaire. « Ils se laissent grignoter leurs pouvoirs sans rien dire, c’est inacceptable et incompréhensible! », déplore-t-il.
Dans la foulée, le projet de loi C-29 compte instituer un code de protection des consommateurs encadrant l’accès aux services bancaires de base, les pratiques commerciales, la communication, les réclamations et la reddition de comptes. Ce code deviendrait la norme nationale.