Protection des consommateurs : le Sénat monte au front contre le projet de loi C-29

2016-12-09
Catherine Lévesque, Le Huffington Post Québec
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OTTAWA – Une « manœuvre de diversion », une proposition « ridicule » : les sénateurs québécois ne sont pas tendres à l’endroit du gouvernement Trudeau, qui veut essayer de gagner du temps, selon eux, en permettant à leurs collègues d’étudier les dispositions du projet de loi C-29 problématiques pour les droits des consommateurs.

François-Philippe Champagne, le secrétaire parlementaire du ministre des Finances, a confirmé vendredi que son gouvernement allait « considérer retarder l’entrée en vigueur de certaines provisions de la section 5 de la loi afin de permettre au comité sénatorial des banques et du commerce d’étudier plus en profondeur cet important enjeu ».

« C’est complètement ridicule comme proposition. Ce n’est pas une victoire, ni pour le Sénat, ni certainement pas pour les consommateurs », a réagi le sénateur indépendant André Pratte, en entrevue avec le Huffington Post Québec.


André Pratte — Le sénateur Pratte veut toujours scinder C-29. (Photo : PC)

« Moi, je pense que c’est plus une manœuvre de diversion pour essayer de convaincre certains sénateurs de voter en faveur du projet de loi plutôt que de l’amender et de le défaire », renchérit le sénateur conservateur Claude Carignan, qui est aussi leader de l’opposition au Sénat.

Le Bloc québécois, qui a été le premier parti à soulever l’enjeu, pense pour sa part qu’il s’agit d’un « demi-aveu de culpabilité » de la part du gouvernement Trudeau. « Ils sentent la soupe chaude, alors ils veulent bouger parce qu’il y a un consensus contre eux », fait valoir Gabriel Ste-Marie, le député de Joliette.

La balle dans le camp du Sénat

Dans sa forme actuelle, C-29 viendrait modifier la Loi sur les banques afin d’avoir un régime pancanadien « complet et exclusif ». Ce sont donc les lois fédérales, et non les lois provinciales, qui s’appliqueraient en matière de protection des consommateurs pour les services bancaires et les pratiques commerciales des banques.

Plusieurs groupes de protection des consommateurs ont dénoncé ce qu’ils voient comme une façon d’invalider la Loi sur la protection du consommateur du Québec. Même l’Assemblée nationale du Québec a adopté une motion à l’unanimité pour dénoncer les intentions d’Ottawa.

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Le projet de loi d’exécution du budget a été adopté sous bâillon, mardi, à la Chambre des communes, malgré les hauts cris des partis d’opposition à Ottawa. La balle est maintenant dans le camp du Sénat pour l’empêcher de recevoir la sanction royale et de devenir une loi.

Déjà, les sénateurs Pratte et Carignan ont annoncé leur intention de scinder le projet de loi, tel que souhaité par le premier ministre du Québec Philippe Couillard. Ils espèrent obtenir l’appui d’une majorité de leurs collègues, la semaine prochaine, pour bloquer les dispositions qui seraient néfastes pour les consommateurs.


Bill Morneau — Le ministre des Finances se dit prêt à collaborer avec le Sénat. (Photo : PC)

« Il faut que le gouvernement refasse ses devoirs, refasse cette partie de la loi de façon à renforcer le droit de protection des consommateurs et respecter les compétences des provinces en matière de protection des consommateurs », a renchéri le sénateur Pratte.

Le sénateur Carignan rappelle que les libéraux avaient promis, en campagne électorale, de ne pas passer des projets de loi omnibus. Or, c’est précisément ce que le gouvernement Trudeau fait avec sa « pseudo réforme » du secteur bancaire, dit-il.

« Si (le gouvernement) veut vraiment faire un travail de réforme du secteur bancaire et de la protection du consommateur, qu’il prenne le temps de le faire comme il faut, avec une loi complète seulement sur ce sujet-là. Là, c’est une section rentrée dans une loi omnibus pour plaire aux banques. »

Au plus tard le 31 mai 2017

Au bureau du ministre des Finances, on assure que le gouvernement avait toujours été prêt à collaborer avec les provinces et territoires et toutes les parties intéressées pour que la mise en œuvre du projet de loi soit faite « de façon respectueuse et correcte ».

« En ce qui est du Sénat, nous respectons leur rôle et nous voulons leur permettre de bien étudier la chose, en même temps l’adoption du projet de loi budgétaire est importante », ajoute Daniel Lauzon, le directeur des communications du ministre Bill Morneau.

Le gouvernement reporterait l’entrée en vigueur de la section 5 – qui concerne la Loi sur les banques – jusqu’à ce que le Comité sénatorial des banques et du commerce présente ses recommandations, au plus tard le 31 mai 2017.


Claude Carignan — Le sénateur Carignan critique le projet de loi omnibus de Trudeau. (Photo : Reuters)

Le gouvernement étudierait ensuite les recommandations du comité dans le cadre de l’examen de la loi – en 2019.

« Il faut adopter la loi, et une fois que le gouvernement aura obtenu tout ce qu’il veut, là, on peut étudier la question et faire des recommandations. Mais il a déjà obtenu tout ce qu’il veut », déplore le sénateur Pratte.

Le député bloquiste Gabriel Ste-Marie ne comprend pas pourquoi les députés libéraux du Québec ne sont pas intervenus plus tôt dans ce dossier. Il en incombe maintenant au Sénat de faire valoir les droits des consommateurs.

« Les sénateurs, qui sont nommés par le gouvernement, défendent la population alors que les députés, qui sont élus par la population, défendent les banques, illustre-t-il. C’est le monde à l’envers. »

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