L’équité à dose homéopathique
Les chiffres montrent une évolution si lente qu’on suggère aux entreprises de se donner des cibles
4 mai 2016
Gérard Bérubé, Le Devoir
Photo : Mike Watson Getty Images
La représentativité féminine au sein des C. A. des grandes entreprises inscrites en Bourse progresse à un rythme lent et sans trop de conviction.
Seize mois après l’entrée en vigueur de la nouvelle réglementation, la représentativité féminine au sein des conseils d’administration souffre encore d’un manque d’engagements concrets. La fixation d’une cible pourrait accélérer l’équité d’accès dans les postes de haute direction.
La représentativité féminine au sein des C. A. des grandes entreprises inscrites en Bourse progresse à un rythme lent et sans trop de conviction. Pour Louise Champoux-Paillé, qui exerce des fonctions d’administratrice auprès de plusieurs sociétés, une politique sans cible pourrait finalement équivaloir à ne pas avoir de politique.
L’ex-présidente du Cercle des administrateurs de sociétés certifiés propose une lecture révisée, en date d’avril 2016, de la représentation féminine au sein des C. A. des 100 plus grandes entreprises canadiennes à partir de l’information puisée dans les circulaires de sollicitation de proposition de la direction. Au 19 avril, 75 entreprises avaient déposé ces documents. Elle y observe que plus de 60 % des entreprises canadiennes de grande taille se sont dotées d’une politique de diversité. Le taux de représentation féminine se situait à 24,4 %, en moyenne, contre 23,2 % en 2015 et 20,7 % en 2014.
Il y a progression, amplifiée par l’entrée en vigueur de la nouvelle réglementation le 31 décembre 2014, mais derrière les chiffres, « près de 40 % n’ont pas de politique, et près de 50 % des entreprises dotées de politique ne comportent aucune cible à atteindre », dit-elle. Et les gestes posés à ce jour tardent à déborder aux postes de haute direction.
Au Canada, les autorités de réglementation en valeurs mobilières ont retenu l’approche de la divulgation selon la formule « se conformer ou s’expliquer ». Les entreprises sont ainsi devant un engagement moral mais non contraignant auprès des actionnaires et des investisseurs, avec une obligation de transparence s’étendant à la haute direction. Mme Champoux-Paillé a proposé une comparaison avec l’approche britannique empruntant également à la formule « se conformer ou s’expliquer », mais accompagnée d’un objectif de 25 % de représentation. La cible a été dépassée après cinq ans, doublant le taux de représentation servant de référence. Sur un horizon comparable couvrant deux années, le taux de représentation avait bondi de 40 % au Royaume-Uni, contre 18 % ici.
« Si nos régulateurs souhaitent du changement, il est essentiel qu’ils insistent plus fortement sur la fixation d’objectifs robustes témoignant de la volonté ferme de nos dirigeants de favoriser une meilleure intégration des femmes au sein de leurs organisations », a suggéré l’administratrice. Avec l’actuelle avancée à petits pas, « il faudra attendre encore plusieurs décennies avant d’atteindre la masse critique féminine visée — plus de 40 % —, signe d’une société plus juste accordant à chaque sexe, selon ses talents, l’occasion de se réaliser ».
L’étude indique que seulement 30 % des entreprises ont des politiques dotées de cibles portant soit sur la mixité au sein de leur conseil ou au sein de leur conseil et de leur haute direction. En fait, seulement 15 % de l’échantillon ont des cibles concernant à la fois le conseil d’administration et la haute direction. Ces dernières affichent un taux de représentation féminine de 31,4 %, contre de 21,1 % pour les entreprises sans politique et 21,6 % pour celles ayant une politique mais sans cible.
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