Le climat est au vote
12 mars 2021
Dominique Lemoine
Consulter les actionnaires au sujet du plan de mesures à adopter en prévision de la transition climatique est en voie de devenir une pratique annuelle généralisée au sein des entreprises, comme l’est devenue celle de consulter les actionnaires au sujet de la rémunération des hautes directions.
En février, la compagnie de chemin de fer CN s’est dite prête à accorder à ses actionnaires un droit de parole consultatif non exécutoire au sujet de son plan de mesures climatiques, et ce, une fois par année à partir de son assemblée générale annuelle d’avril 2021.
L’entreprise affirme que son plan inclut de divulguer à chaque année ses émissions de gaz à effet de serre, selon les recommandations de l’organisation Task Force on Climate-related Financial Disclosures, créée par le Conseil de stabilité financière.
« Nous travaillons à atténuer les risques climatiques et à nous y adapter durablement […] à travers les chaînes logistiques », soutient l’entreprise. Elle prétend prévoir réduire ses émissions, notamment grâce aux technologies écoénergétiques et à l’analyse de données.
Généralisation
Depuis décembre, les entreprises Unilever, Royal Dutch Shell, Moody’s et Glencore se sont elles aussi dites prêtes à rechercher l’approbation de leurs actionnaires au sujet de leur plan de transition climatique lors de votes non exécutoires.
L’approche de Royal Dutch Shell consistera à mettre à jour son plan de transition énergétique tous les trois ans et à rechercher tous les ans l’approbation de ses actionnaires sur ses progrès. À sa manière, Unilever fera voter ses actionnaires aux trois ans.
Selon Reuters, des pressions en faveur de votes obligatoires sur les plans de réduction des émissions exercées par le regroupement britannique de gestionnaires publics d’actifs Local Authority Pension Fund Forum sur des autorités réglementaires pourraient avoir contribué à stimuler le déploiement de cette pratique, de même que des pressions de la part du milliardaire et philanthrope Christopher Hohn.
Scepticisme
Le professeur Robert G. Eccles et une dirigeante de l’investisseur institutionnel public CalPERS, Anna Simpson, se sont récemment montrés sceptiques quant à la possibilité que ces votes puissent vraiment changer les choses.
Selon Eccles, « c’est futile et un détournement des capacités d’engagement des investisseurs, qui ont des outils plus efficaces pour faire en sorte que les entreprises qui composent leur portefeuille atténuent le changement climatique et s’y adaptent », comme voter contre la réélection d’administrateurs qui ne livrent pas la marchandise.
Toujours selon Eccles, qui base son analyse notamment sur des propos tenus par Simpson, le vote consultatif sur la stratégie climatique, comme le vote consultatif sur la rémunération dont il est inspiré, servira dans certains cas à tamponner et à légitimer des stratégies peu ambitieuses et non alignées sur les cibles basées sur la science.
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