Power Corporation montre qui mène la barque pour une énième fois
8 juin 2018
Dominique Lemoine
La multinationale Power Corporation n’a pas besoin de révéler l’état financier de La Presse aux élus pour obtenir de l’État des changements législatifs qui lui permettront de faire financer par les contribuables la sortie de crise de son organe d’influence déficitaire.
C’est ce qu’a laissé entendre mercredi, en commission parlementaire, le président délégué du conseil, président, ainsi que co-chef de la direction de Power Corporation, André Desmarais, qui avait pour l’occasion daigné descendre au niveau de la politique élective.
« Je ne pourrai pas répondre à vos questions. Je suis désolé, mais c’est la réalité », a professé André Desmarais à la député indépendante de Vachon, Martine Ouellet, qui soulevait la possibilité que La Presse soit déficitaire depuis avant l’entrée en scène des Google et Facebook comme concurrents dans l’environnement médiatique numérique en termes d’accaparement des revenus publicitaires.
« Ce n’est pas que vous ne pouvez pas, c’est que vous décidez que vous ne le faites pas », lui a répliqué Martine Ouellet, selon ce qui est rapporté dans le Journal des débats de la commission de la culture et de l’éducation de l’Assemblée nationale du Québec sur la transformation de La Presse.
Cette commission examinait mercredi le projet de Loi modifiant la Loi concernant la succession de l’honorable Trefflé Berthiaume et la Compagnie de Publication La Presse, Limitée. Pour être adopté, ce projet de loi requiert l’accord unanime de l’Assemblée nationale d’ici la fin de la session parlementaire le 15 juin.
Plus ça change, plus c’est pareil
Ce changement permettrait à la publication La Presse, qui appartient présentement à Power Corporation, une multinationale ayant des ramifications dans plusieurs secteurs de l’économie, de se transformer en organisme à but non lucratif (OBNL), de manière à pouvoir recevoir du financement de divers paliers administratifs, par exemple des crédits d’impôt fédéraux, ainsi que du financement de grands donateurs et grandes entreprises.
Martine Ouellet a aussi soulevé la possibilité que la ligne éditoriale de La Presse soit « pour le grand capital, très néolibéraliste, donc beaucoup pour la privatisation » de services publics lucratifs convoités par le secteur privé.
Selon Alain Deneault, auteur d’enquêtes sur l’implication du Canada dans les paradis fiscaux et sur les minières canadiennes, « la plupart des hauts dirigeants politiques sont des parties prenantes d’un système oligarchique qui se neutralisent elles-mêmes », et des grands groupes d’affaires, plutôt que les élus du peuple, détiennent désormais le pouvoir réel sur la fabrication de lois à leur avantage.
André Desmarais a aussi lui-même affirmé que la position éditoriale de La Presse restera « probablement » fédéraliste, malgré le changement de structure et un financement public éventuel.
Selon Le Devoir, l’éditeur de La Presse, Guy Crevier, a affirmé « que ce serait un affront majeur à la démocratie si Mme Ouellet faisait obstruction au processus ». Elle lui a répondu que « les parlementaires ne sont pas tous des marionnettes » et que « l'intimidation de Guy Crevier n’est pas acceptable en démocratie ».
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