L’argument de l’efficacité du privé ne tient pas la route
31 mai 2018
Dominique Lemoine
Détenir collectivement des entreprises via les taxes et les impôts, puis en tirer des rendements en termes d’amélioration des services publics, de remboursement de la dette publique et d’indépendance économique, est aussi une forme d’actionnariat.
Le principe est simple et les disciples de la bonne nouvelle des privatisations à tout vent sont contraints à l’argument d’une soi-disant plus grande efficacité des entreprises privées qui mènerait soi-disant à des tarifs ou des prix plus bas pour les consommateurs.
Un argument remis en question par Yvan Allaire et Michel Nadeau dans un texte d’opinion qui a été publié par La Presse. Ils sont respectivement président et directeur général de l’Institut sur la gouvernance d’organisations privées et publiques (IGOPP).
Leur intervention survient dans le contexte des débats sur une privatisation plus grande ou une renationalisation d’Hydro One en Ontario, ainsi que sur une privatisation partielle ou sur un démantèlement de la Société des alcools du Québec.
Hausses des frais d’exploitation liées à une privatisation
Premièrement, au sujet d’Hydro One, ils font remarquer qu’une entreprise privée doit payer des impôts aux paliers provincial et fédéral, contrairement à une société d’État, ce qui n’est pas favorable au secteur privé en matière de diminution des tarifs ou des prix, voire même pour en modérer la croissance annuelle.
Deuxièmement, comme autre hausse des coûts d’exploitation liée à une privatisation, « étant devenue une société avec actionnaires en majorité privés et listée à la Bourse de Toronto, Hydro One a calqué la rémunération des dirigeants sur ce qui se fait et se paie dans le secteur privé », soulignent Allaire et Nadeau.
En 2017, le président-directeur général d’Hydro One aurait reçu selon eux huit fois plus d’argent (6,2 millions de dollars) que le président et directeur général d’Hydro-Québec.
Troisièmement, les acquisitions requises pour convaincre les marchés financiers au sujet des perspectives de croissance des revenus et des bénéfices d’une société cotée en Bourse requièrent des dépenses en milliards de dollars, dont le financement peut empêcher une réduction ou une stabilité des tarifs ou des prix.
Exploitation privée d’actifs collectifs
Bref, selon Allaire et Nadeau, il ne faut « jamais oublier que les gouvernements sont responsables devant les consommateurs », autrement dit que contrairement aux actionnaires les élus doivent rendre des comptes aux électeurs, et que les consommateurs eux « sont très réticents à assumer des hausses tarifaires provenant de l’exploitation privée d’actifs dont ils ont la profonde conviction qu’ils leur appartiennent ».
Par ailleurs, des propos de Jacques Parizeau au sujet du Plan Nord rapportés par Le Devoir laissaient entendre que si le gouvernement du Québec ou ses sociétés d’État avaient obtenu des participations à l’actionnariat à chaque fois qu’ils ont consenti des aides financières publiques avec de l’argent de la collectivité à des entreprises privées, plusieurs auraient été partiellement ou complètement nationalisées.
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