L’économie assise entre deux chaises d’un océan à l’autre?
1er avril 2022
Dominique Lemoine
D’un côté la valeur boursière d’actions d’entreprises de ressources naturelles du Canada grimpe en raison de l’incertitude concernant le moment du retour de la paix en Ukraine et le gouvernement fédéral parle d’augmenter la production de pétrole et de gaz du Canada pour soutenir l’Europe, de l’autre le gouvernement fédéral dépose un plan de réduction des gaz à effet de serre pour 2030.
Un article produit par l’agence de presse Reuters et repris au Canada par le Financial Post rapporte que des actions d’entreprises des secteurs de l’énergie et des matériaux du Canada maintiennent l’indice boursier TSX à un niveau record, tandis qu’ailleurs dans le monde des déclins de la valeur boursière d’actions d’entreprises technologiques tirent les indices boursiers vers le bas, en raison de doutes quant aux progrès réalisés dans les pourparlers de paix en Ukraine.
« Le TSX a été l’un des rares grands indices de référence mondiaux à gagner du terrain en 2022, avec une progression de 4 %. Il a été aidé par une pondération de 27 % d’actions du secteur des ressources », affirme Reuters. Sur la base d’un rapport produit par un consortium d’organisations de la société civile appuyé par Greenpeace, Le Devoir rapporte que les banques du Canada ont accru de 70 % leur soutien financier à l’industrie des énergies fossiles en 2021.
Le premier ministre du Canada, Justin Trudeau, a affirmé lundi, selon La Presse, que le gouvernement fédéral libéral aspire, en même temps, à faire en sorte que l’Europe et d’autres endroits ne soient plus « dépendants » du pétrole et du gaz russes, à « ne plus être dépendant du pétrole et du gaz » ici au Canada, à atteindre ses cibles de réduction des GES pour 2030, à atteindre sa carboneutralité en 2050 et à tenir compte des travailleurs de l’industrie pétrolière et gazière.
2030 est dans 8 ans
La semaine dernière, le ministère fédéral des Ressources naturelles a affirmé que l’industrie du pétrole et du gaz du Canada « a la capacité d’augmenter progressivement ses exportations de pétrole et de gaz d’environ 200 000 barils de pétrole par jour et de 100 000 barils d’équivalent pétrole par jour de gaz naturel au cours de 2022, afin de remplacer le pétrole et le gaz russes », en particulier vers l’Europe, une idée aussi avancée dans les rangs du Parti conservateur du Canada.
Cette semaine, le mardi 29 mars 2022, le ministère de l’Environnement a déposé au Parlement fédéral un plan de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) pour 2030, qui contient la cible de réduction des émissions de 40 à 45 % sous les niveaux de 2005, mais de 31 % pour l’industrie pétrolière et gazière. Des consultations doivent avoir lieu avec cette industrie particulière, afin de déterminer quel sera son plafond particulier à elle d’émissions de GES pour 2030.
Selon le plus récent bilan fédéral d’émissions de gaz à effet de serre pour 2019, rapporté par Le Devoir, les émissions du Canada avaient reculé de 1,2 % en 2019 par rapport à 2005.
« Le plan présente une modélisation de la voie la plus efficace sur le plan économique pour atteindre l’objectif du Canada pour 2030 », tout en étant « concurrentiel », mentionne le ministère, dans son document d’information.
Selon des projections du plan (p. 238), en 2030 le Canada permettra donc encore à l’industrie pétrolière de produire 5,6 millions de barils de pétrole brut par jour, comparativement à 4,2 millions en 2020 et à 2,4 millions en 2005.
Scepticisme ambiant
Selon le Tyndall Centre for Climate Change Research de l’Université de Manchester en Angleterre, le Canada doit réduire sa production de pétrole et de gaz de 75 % d’ici 2030 et de 100 % d’ici 2034 s’il veut respecter ses engagements.
Selon la directrice générale de Nature Québec, Alice-Anne Simard, citée par Le Journal de Montréal, les technologies de captation et de stockage de carbone « ne permettent pour le moment que de minimes compensations des émissions ».
Le Bloc québécois demande au gouvernement de « plafonner la production de pétrole », de « s’engager à ne plus approuver de nouveaux projets d’extraction des hydrocarbures » et à « abolir toutes les subventions aux énergies fossiles ».
« Brûler la planète peut paraître censé pour faire des affaires, mais cela condamne nos enfants à un avenir épouvantable », selon le député Charlie Angus, du NPD, qui demande une « limite stricte » à la production d’énergies fossiles.
La Commission européenne a proposé cette semaine des règles pour l’Union européenne « contre les allégations environnementales peu fiables ou fausses, en interdisant l’"écoblanchiment" et les pratiques qui induisent les consommateurs en erreur quant à la durabilité d’un produit », ainsi que contre les « informations trompeuses ».
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