Progressions et régressions

2019-04-26
Willie Gagnon, Le MÉDAC

La saison 2019 des assemblées annuelles des actionnaires des sept banques dont les titres figurent au portefeuille du MÉDAC prenait fin cette semaine. L’heure est au bilan.

Quatre propositions d’actionnaire ont été envoyées à la banque de Montréal, la banque canadienne impériale de commerce, la banque Toronto-Dominion, la banque royale du Canada, la banque laurentienne du Canada, la banque de Nouvelle-Écosse et la banque nationale du Canada. Ces quatre propositions concernaient :

  1. l’arrimage entre les politiques ESG et la rémunération des dirigeants;
  2. la divulgation d’information relative au Groupe de travail sur l’information financière relative aux changements climatiques (GIFCC);
  3. la divulgation du ratio de rémunération;
  4. la création d’un comité sur la technologie.

À la suite de discussions soutenues avec chacune des banques, il a été convenu, à la satisfaction du MÉDAC, de ne pas tenir de vote sur les propositions 1 et 2. Malgré cette concession, le texte des 4 propositions a quand même été imprimé dans toutes les circulaires, tout comme le texte de chaque réponse de toutes les banques aux 4 propositions.

En effet, toutes les banques ont fait la démonstration, par écrit, de ce que leurs politiques sociales, environnementales et de bonne gouverne d’entreprise (gouvernance) étaient arrimées à leur politique de rémunération de la direction.

Il est à noter que le consentement à ne pas tenir de vote sur ces deux propositions à la banque Laurentienne, étant données ses caractéristiques particulières, est intervenu le jour de l’assemblée, plutôt qu’avant la publication de la circulaire, sur la base de son engagement à poursuivre le dialogue sur ces questions avec le MÉDAC à l’avenir, et la possibilité de représenter les deux propositions l’an prochain.

Aussi, toutes les banques nous ont fait état des détails concernant le GIFCC — un groupe de travail mis sur pied par le Conseil de stabilité financière (CSF), une organisation regroupant les autorités publiques en matière financière des pays du G20. Toutes les banques nous ont communiqué leur position relative au projet pilote de l’Initiative financière du Programme des Nations Unies pour l’environnement (IF-PNUE) sur le GIFCC (notamment sa phase 2 à participation volontaire), leur adhésion à l’IF-PNUE à titre de membre et leurs pratiques générales en matière d’environnement.

Par ailleurs, malgré le fait que la divulgation du ratio de rémunération soit désormais obligatoire au États-Unis, les banques ont toutes évoqué les mêmes arguments qu’à l’habitude contre notre proposition. Le vote a par conséquent eu lieu partout.

Finalement, la mise sur pied d’un comité (du conseil) consacré aux technologies a été rejetée partout, sur la base de l’argument selon lequel plus une chose serait importante, moins elle devrait faire l’objet du travail d’un comité. Nous sommes évidemment d’avis contraire. Le vote a eu lieu partout, sauf à la banque Toronto-Dominion, pour des raisons strictement techniques relatives au seuil d’appui obtenu par le passé pour une proposition semblable.

Faits saillants, notes et remarques

Il apparaît opportun de souligner certains détails cette année. Quelques-uns d’entre eux, d’ordre technique, relèvent de l’anectdote et soulève des questions intéressantes pour l’investisseur curieux, mais sans grande portée réelle sur le plan financier. D’autres remarques, plus substantielles pour leur part, ont une charge symbolique dont la nature des causes potentielles nous apparaît inquiétante.

Cette année, les votes aux assemblées de toutes les banques se sont faits sur bulletin papier. Le recours à des dispositifs électroniques des années passées semble désormais révolu, et ce pour plusieurs société ouvertes aussi, outre les banques. Peut-être est-ce une question de coût. Nous n’avons pas d’opinion particulière sur la question, puisque les résultats préliminaires annoncés à la fin de chaque assemblée diffèrent très très rarement des résultats officiels et définitifs publiés par la suite dans SEDAR.

Les allocutions de chaque président du conseil et de chaque PDG de chacune des banques ont eu lieu avant l’élection des administrateurs, sauf pour la banque Laurentienne. Le MÉDAC juge cette pratique exemplaire, étant donné que c’est bien sur la base du bilan de l’année financière que devrait se prendre la décision de voter pour ou contre un administrateur qui brigue le renouvellement de son mandat. Pour sa part, la présentation orale du bilan de la banque Laurentienne du Canada faite par son PDG François Desjardins a non seulement eu lieu après l’élection des administrateurs, mais bien après que l’assemblée ait été levée. Nous réprouvons doublement cette manière de faire.

Aussi, toujours à la banque Laurentienne, la présidente sortante du conseil d’administration, une femme de langue française, a été remplacée dans cette fonction par un homme de langue anglaise qui ne comprend ni ne parle le français. Nous le déplorons. Qui plus est, l’assemblée de la Laurentienne s’est déroulée entièrement en langue anglaise, sans service de traduction, y compris pour les réponses aux interventions de langue française des actionnaires. La situation a été dénoncée à la période de questions. Cela nous semble tout simplement inconcevable pour une banque dont le siège est au Québec, d’autant plus que toutes les autres banques tiennent leurs assemblées dans les deux langues officielles en plus d’avoir recours à des interprètes. Il y a d’ailleurs lieu de s’interroger sur les raisons pour lesquelles la politique de rémunération de cette banque est désapprvouée par près de 25 % des votes (en orange dans le tableau ci-dessous).

Le MÉDAC n’était pas le seul à faire des propositions d’actionnaire cette année. John Philipp Chubb a déposé une proposition sur les droits de la personne à la banque de Nouvelle-Écosse et la société Harrington Investments a soumis une proposition sur les gaz à effet de serre à la banque Toronto-Dominion. Ces deux propositions ont été soumises au vote en l’absence d’un représentant des actionnaires auteurs des proposition, un cas d’exception qui a été refusé (pas toujours…) au MÉDAC par le passé. Nous étudierons la question de près.

Finalement, les périodes de questions de la banque Royale, de la banques de Nouvelle-Écosse et de la banque Toronto-Dominion (surtout) ont été particulièrement longues et animées (des applaudissements ont marqué plusieurs interventions), témoignant selon nous d’une vigueur saine de la démocratie actionnariale et de son renouveau. Nous nous en réjouissons.

Résultats de vote

    propositions
banques vote consultatif sur la rémunération ratio de rémunération comité technologie
BMO 94,08 % 5,90 % 2,47 %
CIBC 95,35 % 7,02 % 2,88 %
TD 93,49 % 5,54 % 2,29 %
RBC 95,35 % 5,38 % 1,87 %
Laurentienne 75,74 % 10,51 % 4,25 %
Scotia 93,75 % 5,91 % 2,96 %
BN 92,68 % 6,96 % 3,45 %

Vote de quelques grands investisseurs institutionnels (✓ : POUR, X : CONTRE, — : non disponible)

investisseurs institutionnels
ESG—Rémunération GIFCC ratio de rémunération comité technologie
CDPQ X X
Desjardins
OIRPC
PSP
Teachers’ X X
Norges X X X
CalPERS X X

Remerciements

Le MÉDAC tient à remercier formellement ses représentants bénévoles pour cette année : Mme Hélène Dufresne et MM. Mathieu Dupuis, Marc-Yvan Poitras et Félix Pinel, sans qui il aurait été tout simplement impossible de participer à toutes les assemblées de toutes les banques, notamment les trois assemblées qui ont eu lieu en même temps le 4 avril 2019, à Toronto, Montréal et Halifax.

 

 

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