Nicolas Zorn sur la réforme fiscale étasunienne

2017-11-30
Gérald Fillion, RDI Économie

Source vidéo : Twitter, Facebook

Les opérateurs de marché, les grands gestionnaires de fonds, les banques et quantité de multinationales jubilent à l’idée de voir leurs impôts, ceux des corporations comme des mieux nantis, être abaissés aux États-Unis. Jamais, depuis les années de Ronald Reagan, les plus riches Américains n’ont-ils eu droit à un tel cadeau, qui pourrait tomber juste à temps, ma foi, pour Noël!

Le Dow Jones s’est envolé de 332 points jeudi, passant la barre des 24 000 pour la première fois de l’histoire de l’indice. Depuis le début de l’année 2017, depuis essentiellement l’arrivée au pouvoir de Donald Trump, cet indice a bondi de 23 %.

Ce qui s’est passé jeudi, c’est que John McCain, sénateur républicain de l’Arizona, a donné son appui à la réforme fiscale des républicains. C’est cet appui qui a déclenché une envolée boursière spectaculaire, qui s’était déjà amorcée dans les derniers jours, alors que montait le niveau de confiance quant à l’adoption de la réforme fiscale.

John McCain est l’un des plus fervents critiques de Donald Trump depuis le début de sa présidence, ayant bloqué à plusieurs reprises les tentatives de réforme de l’Obamacare. Son appui augmente sensiblement les chances de succès pour le président et le Parti républicain.

Une réforme qui va créer plus d’inégalités

Ne nous trompons pas, toutefois. Si cette réforme est jouissive pour le milieu boursier, elle pourrait alimenter, encore une fois, les inégalités aux États-Unis, qui sont parmi les plus importantes de la planète. Ce sont ces écarts de richesse qui alimentent le cynisme, la colère et la frustration de millions d’Américains qui – quelle coïncidence n’est-ce pas? – ont voté, dans bien des cas, pour Donald Trump.

De nombreux analystes et économistes affirment que le projet de loi des républicains s’appuie sur la théorie du ruissellement (trickle-down economics), qui consiste à réduire l’impôt des riches pour les encourager à injecter de l’argent dans l’économie afin de le faire « ruisseller » jusqu’aux plus pauvres.

C’était la théorie qu’affectionnait Ronald Reagan, dans laquelle beaucoup de républicains ont toujours foi, mais qui a provoqué un accroissement important des inégalités. « On a eu l’occasion d’invalider cette théorie, nous a dit le chercheur Nicolas Zorn, spécialiste des inégalités, à RDI économie jeudi soir. On a eu 30 ans de réformes dans une trentaine de pays développés, où on a essayé ces réformes-là. Ça ne fonctionne pas, le résultat n’est pas là. »

Le Fonds monétaire international (FMI) a réalisé une étude qui montre que la croissance économique est plus forte quand on redistribue la richesse vers les moins nantis et vers la classe moyenne. Si on baisse les impôts des plus riches, on déplace des sommes, qui auraient été nécessaires pour des gens qui ont besoin d’argent ou de services, vers différents placements.

Nicolas Zorn explique que les plus riches ont tendance à investir les sommes supplémentaires qui leur sont allouées dans les marchés financiers. Avec la montée des inégalités, les occasions sont moins nombreuses, ce qui les amène à investir davantage en bourse. Et les entreprises tendent à verser plus de dividendes ou à procéder à des rachats d’actions.

80 % des bénéfices… au 1 %

Selon le Bureau du budget du Congrès, avec la réforme fiscale des républicains, en 2027, les gens qui font entre 40 000 $ et 50 000 $ auront payé 5,3 milliards de dollars américains de plus en impôt. Par contre, les Américains qui gagnent plus d’un million de dollars par année auront eu droit à des baisses d’impôt totalisant 5,8 milliards.

La réforme fiscale va générer 80 % des gains d’impôt pour les 1 % les plus riches de la société américaine. Le président Trump et 11 des 22 membres de son cabinet vont bénéficier des nouvelles mesures fiscales prévues.

La réforme va réduire les revenus de l’État américain de 1600 milliards de dollars sur 10 ans et va stimuler l’économie et les revenus de l’État de 400 milliards sur une décennie. Les déficits seront plus importants, la dette va s’alourdir.

La réforme prévoit des réductions au programme Medicare pour les aînés, des compressions dans l’aide sociale, sans oublier la réforme de l’Obamacare qui pourrait priver 13 millions d’Américains d’assurance maladie.

Pour avoir un large appui, les républicains ont inclus dans leur réforme différentes mesures qui n’ont pas grand lien avec le fondement de la réforme fiscale annoncée. Par exemple, le projet de loi prévoit la fin de l’interdiction pour les groupes religieux et les organisations à but non lucratif, qui ont droit à des soutiens de l’État, de faire du militantisme politique.

Source ›››

Partenaires :