Commission des valeurs mobilières pancanadienne — Néfaste pour le Québec et les affaires
Les chefs d’entreprises québécoises rappellent leur vive opposition au projet fédéral
16 novembre 2013
Collectif d’auteurs, Le Devoir
En tant qu’entrepreneurs et dirigeants ayant bâti nos entreprises au Québec et choisi d’y maintenir nos sièges sociaux, nous sommes particulièrement préoccupés par la capacité d’y trouver l’accès aux capitaux ainsi que l’ensemble des services professionnels nécessaires pour poursuivre notre développement. La compétitivité de Montréal comme place financière est donc un enjeu qui nous tient à cœur et c’est pourquoi il y a trois ans, en appui à l’ensemble des partis politiques de l’Assemblée nationale, nous nous étions levés pour manifester notre opposition au projet de Commission des valeurs mobilières pancanadienne mis en avant par le gouvernement fédéral.
Or, malgré un jugement de la Cour suprême, prononcé en décembre 2011, ayant déclaré inconstitutionnel un précédent projet en ce sens, les partisans d’une commission des valeurs mobilières unique, menés par le gouvernement fédéral, sont récemment revenus à la charge. Si leur projet est quelque peu modifié sur la forme, les conséquences qui en découleraient seraient tout aussi néfastes pour les intérêts du Québec, de ses entreprises et de ses travailleurs et c’est pourquoi nous tenons à réitérer notre opposition envers cette démarche.
Cette opposition s’articule d’abord autour du fait que le régime actuel, qui repose sur un système de passeports, comporte déjà les avantages d’une commission centralisée, sans en avoir les inconvénients. Grâce au système de passeports et aux autres efforts d’harmonisation déployés au cours des dernières années, les émetteurs peuvent en effet lever du capital et remplir leurs obligations partout aux pays en traitant uniquement avec leur régulateur local, bénéficiant ainsi d’une approche spécifique à leur contexte régional.
Au contraire, une commission des valeurs mobilières pancanadienne aurait pour effet de compliquer la tâche des émetteurs québécois et de leurs courtiers, avocats et comptables qui se verraient confrontés au choix de traiter avec des représentants locaux sans véritable pouvoir décisionnel ou bien de traiter directement avec les véritables détenteurs de pouvoir, hors du Québec.
On se doute bien que c’est ainsi toute l’influence et l’expertise québécoises en matière de réglementation financière qui serait réduite. Avec le temps, toute l’expertise des grands bureaux d’avocats, comptables et fiscalistes spécialisés en valeurs mobilières risquerait de s’éroder, privant le Québec et les autres territoires de ces emplois. À terme, c’est le développement même de Montréal comme place financière qui s’en verrait compromis, réduisant d’autant les emplois dans ce secteur essentiel au développement de toutes les entreprises québécoises, une éventualité tout à fait inacceptable.
Alors que le secteur financier canadien se remet graduellement des secousses vécues au cours des dernières années, nous croyons qu’il est absolument imprudent d’ajouter une autre couche d’incertitude systémique sur les émetteurs québécois et canadiens. Les énergies et les ressources importantes qui seront mobilisées dans une démarche aussi contentieuse seraient à notre avis mieux investies dans la poursuite des efforts d’harmonisation et de collaboration entre les juridictions déjà en cours.
Ont signé ce texte : Louis Audet, président et chef de la direction, COGECO inc. et Cogeco Câble inc.; Alain Bouchard, président et chef de la direction et fondateur d’Alimentation Couche-Tard inc.; François J. Coutu, président et chef de la direction, Le Groupe Jean Coutu inc.; Pierre Karl Péladeau, président du conseil d’administration d’Hydro-Québec, vice-président du conseil Québecor inc., président du conseil Québecor Média inc. et Groupe TVA inc.; Pierre Pomerleau, président-directeur général, Pomerleau inc.; Éric R. La Flèche, président et chef de la direction, Metro inc.