La (très) gênante position de Metro

30 janvier 2013
François Pouliot, lesaffaires.com

BLOGUE — C’est avec une grande déception que l’on est ressorti mardi de l’assemblée annuelle de Metro. La direction de la société refuse toujours avec obstination d’amener un accent aigu sur son appellation. Malheur plus grand encore, elle vient de recevoir la caution d’une écrasante majorité d’actionnaires.

Le Mouvement d’éducation et de défense des actionnaires (MÉDAC) proposait deux résolutions.

  • Que tout l’affichage public et que toutes les communications de l’entreprise se fassent avec le nom de langue française « Métro », avec un accent.
  • Que le nom de l’entreprise « Metro inc. », sa raison sociale, soit remplacé par le nom de langue française « Métro inc. », avec un accent.

Les deux propositions ont été battues dans une proportion de 98,80 %.

C’est gênant. Les actionnaires québécois qui ont enregistré leur vote contre la proposition sont mieux de ne pas interroger leur conscience : ils s’en porteraient mal.

Plus gênante encore est la position de la direction de Metro et de son conseil d’administration, qui n’ont même pas cherché à trouver un terrain d’entente.

L’an dernier, l’activiste Yves Michaud avait donné tout un spectacle à l’assemblée annuelle en réclamant que soit corrigée cette anomalie historique. On aurait pu s’attendre à ce qu’une réflexion s’en suive.

Dans ses motifs d’opposition Metro insiste qu’elle est une entreprise québécoise depuis 65 ans et qu’elle reconnaît l’importance du français dans ses communications. Elle se targue d’être le deuxième plus grand employeur du Québec et d’avoir son siège social ici. À cause de cela, plaide-t-elle, elle contribue de façon importante à l’économie du Québec, « et, de ce fait, à la vigueur de la langue française ». Elle conclut ne pas croire que l’ajout d’un accent à son nom ou sa marque de commerce ajouterait à son caractère profondément québécois.

Personne n’a jamais nié l’importance de Metro pour l’économie du Québec, ni même l’extrême compétence de ses dirigeants. Et c’est justement pour cette raison qu’elle devrait amener un accent sur sa marque de commerce. Elle a valeur de symbole pour le Québec et il est étonnant qu’elle le reconnaisse d’un côté, et en fasse étalage, tout en refusant de le comprendre de l’autre.

Une société comme Québécor a bien compris la chose l’an dernier, et a, de son propre chef, décidé d’accentuer son nom au Québec.

À l’heure où le Québec s’interroge sur la force de ses sièges sociaux, tandis que Astral pourrait être avalée par BCE et que l’on redoute que SNC-Lavalin ne glisse vers Londres, il aurait été facile pour la direction de Métro d’envoyer un signal rassembleur.

Qui aurait particulièrement bien résonné dans un paysage québécois que les marques américaines tentent d’envahir et critiquent même, pour certaines, ouvertement.

L’entêtement de la direction est pour le moins incompréhensible qu’elle s’est déjà livrée, en 2010, à une opération beaucoup plus périlleuse : la conversion de toutes ses bannières ontariennes à celle de Metro.

On remarquera que jamais dans les motifs fournis la question du coût éventuel de la conversion n’a été avancée. Et l’occasion lui a été offerte à quelques reprises de se prévaloir de l’argument.

L’entreprise a-t-elle un œil sur Safeway Canada dans l’Ouest, et redoute-t-elle qu’un débat nationaliste ne nuise au final à ses chances de miser sur la société?

Refuse-t-elle simplement de lâcher du lest pour ne pas perdre la face devant Yves Michaud?

Ce serait un peu gros.

Moins gros cependant que de continuer à s’enfermer dans la position actuelle, avec une telle faiblesse d’arguments.

Le MÉDAC devrait représenter l’an prochain une proposition un peu plus souple (conversion graduelle dans le temps, limitée à la province?). Dirigeants et actionnaires devraient entre-temps mieux réfléchir.

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