La prison pour les banquiers?

28 janvier 2013
Léo-Paul Lauzon

Cette recommandation pragmatique et pleine de gros bon sens nous permettait une fois pour toutes de faire le grand ménage et de nous extirper de notre immobilisme notoire provoqué par la peur du changement et du chantage. Cette solution ne vient pas de moi, mais des centaines de milliers de personnes qui sont descendues récemment dans la rue en Europe. Ces millions de personnes, comme ici en Amérique du Nord, doivent faire les frais des politiques d’austérité, découlant de la crise financière, même si elles n’en sont pas responsables. En outre, « Nous avons la solution : les banquiers en prison » (Le Devoir, 15 novembre 2012).

Certains voudraient la prison à vie pour les banquiers et d’autres gens d’affaires ainsi que leurs élus inféodés. Vous le savez fort bien, je suis un modéré. J’ai horreur des radicaux et des extrémistes. Comme je suis un bomme de compromis, de consensus et de concertation (il y a les PPP, moi dans mon cas ce sont les CCC), je les enverrais en prison pour un séjour (qu’ils auraient à défrayer, évidemment, en appliquant le principe de l’utilisateur-payeur) variant entre trois et dix ans. Faut leur donner une chance de se réhabiliter et faut faire preuve de tolérance et de miséricorde.

Brièvement, je vais vous expliquer pourquoi la place des banquiers serait en prison. Pas question qu’ils servent leur peine dans la communauté. Même si je suis un gars plein de retenue là-dessus, je suis intraitable. La prison et vite en plus de ça.

Profits records continuels des banques même en temps de crise

Le Journal de Montréal du 7 décembre 2007 titrait : « Crise ou pas, encore des profits records pour les banques… 19,5 milliards $ ». Même à ça, elles ont poussé le mépris jusqu’à dire : « L’explosion des profits n’annonce pas la fin de la crise » (Le Devoir, 4 septembre 2010). Crise pour qui au juste?

Puis, les profits ont continué à exploser jusqu’à : « Des profits records de 30 milliards $. 2012 a été bonne pour les banques canadiennes » (Le Devoir, 8 décembre 2012). Une bonne année 2012 pour les banques et leurs dirigeants, mais moins bonne pour les travailleurs ordinaires. Durant la crise financière qui a coûté des millions d’emplois et occasionné des milliards de pertes pour les caisses de retraite, les gouvernements ont voté des politiques restrictives et ont, au même moment : « Crise financière. Les banques canadiennes ont reçu des milliards en aide des gouvernements » (La Presse, 1er mai 2012)… pendant que la population subissait des hausses d’impôts et de taxes qui servaient à financer les banques.

Attention : les banques canadiennes réalisent des profits records pas parce qu’elles excellent, mais tout simplement parce qu’elles vous arnaquent du fait qu’elles forment un « oligopole confortable » selon la revue internationale The Economist (Les Affaires, 22 mai 2010).

Banquiers et actionnaires se paient la traite

40 milliards $ de profits nets en 2012 et : « 10 milliards $ en bonis salariaux » aux bonzes des banques (La Presse, 11 décembre 2012). Et puis, il y a eu plein d’articles nous annonçant des nouvelles réjouissantes pour les actionnaires comme celle-ci : « Banques. De meilleurs dividendes en vue » (27 août 2012) et « Trois autres banques haussent leur dividende » (31 août 2012). Pendant ce temps, à cause de la crise financière, la lumineuse présidente de la Banque Desjardins, madame Monique Leroux a dit : « Des gens devront revoir leur projet de retraite » (Journal de Montréal, 3 octobre 2008). Des gens ordinaires s’entend. Mettons cette remarquer sur le compte de l’innocence, tout comme ces propos insultants des dirigeants de la Banque Toronto-Dominion pendant qu’eux se la coulaient douce : « Les Québécois devront faire des sacrifices » (La Presse, 2 septembre 2009).

Puis il y a eu cette remarque tellement insignifiante : « les banques confiantes face à l’avenir » (La Presse, 17 septembre 2009). Comment pourrait-il en être autrement?

Les banques dans les paradis fiscaux

De 2004 à 2009, les six grandes banques canadiennes ont détourné dans leurs filiales logées dans des paradis fiscaux pour 10 milliards $ d’impôts. Pas 10 milliards $ de revenus, mais 10 milliards $ d’impôts qu’elles auraient dû verser ici au pays. Ça explique en partie leurs profits titanesques. Et cette évasion fiscale pratiquée par les banques elles-mêmes exclut les milliards qu’elles ont fait transiter à leurs clients dans les paradis fiscaux. Elles ne peuvent contester ces chiffres, nous les avons recueillis dans leur propre rapport annuel. Voir à cette notre étude publiée en mai 2010 et intitulée : « Les banques canadiennes en temps de crise ». Pendant ce temps, les politiciens taxent et coupent les revenus publics de la population.

http://www.unites.uqam.ca/cese/pdf/rec_10_banques_can.pdf

Le Canada un paradis fiscal pour les banques, mais elles demandent d’autres baisses d’impôts

Voici quelques titres d’articles révélateurs sur la fiscalité des entreprises canadiennes : « Des taux d’imposition parmi les plus bas au monde » (5 mars 2010). « Le Canada, paradis fiscal des entreprises » (29 juillet 2008). « Compétitivité fiscale. Le Canada est devancé par l’Inde seulement » (26 septembre 2012). Mais les banques en redemandent : « Les banques canadiennes veulent un assouplissement du régime fiscal » (16 août 2011).

Même si elles paient peu d’impôts au Québec et au Canada, peu c’est trop pour elles. Ce qui serait mieux pour elles, c’est zéro impôt, un point c’est tout.

Jacques Ménard de la Banque de Montréal, un philanthrope?

Jean-Philippe Décarie chroniqueur à La Presse, toujours égal à lui-même, a pondu une autre chronique incroyablement incroyable le 1er septembre 2012 intitulée : « Jacques Ménard. Philanthrope et engagé convaincu » avec en prime une belle grosse photo de la prima dona. Ben oui, tout le monde sait, ou devrait savoir, que de nos jours, sont philanthropes et engagés convaincus ceux qui sont des abonnés à l’évasion fiscale dans les paradis fiscaux; ceux qui se font payer leur grosse rémunération en stock options pour esquiver l’impôt; ceux qui chargent des taux d’intérêt shylockiens sur leurs cartes de crédit; ceux qui favorisent les pensions de retraite privatisées aux institutions financières; ceux qui militent pour plus d’abris fiscaux pour les riches; ceux qui sont favorables à la santé privée, aux hausses des frais de scolarité à l’université et à la sous-traitance et ceux qui s’en prennent aux syndicats, comme dans : « Jacques Ménard enjoint aux syndicats (pas les banques) de réformer l’État. Les droits acquis ralentissent et bloquent tout changement » (Le Devoir, 1er mars 2011). Vraiment pathétique.

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