Comment les banques continuent à se goinfrer…
19 Janvier 2013
Laurent Neumann, Marianne
C’est la crise! Paraît-il… La crise et son cortège de plans sociaux. La crise et ses usines qui ferment. La crise et son chômage de masse. La crise et les impôts des classes moyennes qui augmentent, pour désendetter les États. La crise et les dépenses publiques qui baissent, pour éponger les erreurs du passé. La crise, oui, mais visiblement pas pour tout le monde!
Il est une catégorie d’acteurs économiques qui gagnent quand tout le monde gagne, et qui gagnent encore quand tout le monde perd : les banques. Les plus grands établissements financiers américains – ceux dont il ne fait plus aucun doute qu’ils sont à l’origine de la Grande Crise qui secoue les économies occidentales depuis 2007 – viennent de publier leurs comptes pour l’année 2012. Ils laissent pantois.
Accrochez-vous : Goldman Sachs, la banque symbole de toutes les dérives du capitalisme financier, celle qui a maquillé les comptes de la Grèce et inventé les produits financiers les plus dingues, a plus que doublé ses résultats : 7,3 milliards de dollars de profits nets! JP Morgan a fait encore mieux : 21,3 milliards de dollars de bénéfices! Le PDG de cette dernière, Jamie Dimon, s’est même octroyé un bonus personnel de 10 millions de dollars. À ce tarif-là, ce n’est plus un cadeau Bonux, c’est le jackpot du loto. Et un gros lot qui, en l’occurrence, tombe chaque année, crise ou pas crise.
Le plus incroyable, c’est que ces banques sont désormais censées évoluer dans un cadre réglementaire beaucoup plus strict (les fameuses lois Volcker et Dodd-Franck). Des contraintes dont elles n’ont d’ailleurs cessé de se plaindre. Il faut croire, à l’évidence, qu’elles ont l’effet du mercurochrome sur une jambe de bois.
Dans ce contexte, on attend avec impatience les résultats de nos grands établissements français*. Mais au moment où Bercy planche sur les nouvelles règles du jeu bancaire et semble hésiter à encadrer pour de bon leurs agissements, ces résultats himalayens des banques américaines devraient donner à réfléchir. Sans doute fallait-il sauver les banques en 2008. Mais à l’heure où les États sont surendettés et où l’on demande aux peuples toujours plus de sacrifices pour nous sortir de ce mauvais pas, le moment n’est-il pas venu d’imposer au monde de la finance des règles drastiques? Pour éviter que quelques-uns continuent à se goinfrer en toute impunité. Pour éviter surtout que les mêmes causes produisent à l’avenir les mêmes effets dévastateurs.
* P.-S. Même impatience au Québec et au Canada. Louis Vachon, président de la Banque nationale, s’est tartiné une rémunération de 8,5 millions en 2011, soit augmentation de 47 % sur son misérable salaire de l’année précédente de 5,7 millions. L’action de la Banque nationale s’est appréciée de 11,3 % de 2009 à 2012, une moyenne de 3,7 % par année. Selon l’ineffable André Caillé, membre du conseil d’administration, une rémunération adéquate (sic) des dirigeants 47 %, et 3,7 % pour les actionnaires est une garantie de performance pour les actionnaires!!!
* Commentaire de Yves Michaud, fondateur du MÉDAC