Les vertus des super banques régionales
29 septembre 2012
Jean-Philippe Décarie, La Presse
Louis Vachon affirme ne pas s’inquiéter ni se sentir menacé par la forte expansion des banques canadiennes à l’international. Le PDG de la Banque Nationale – une superbanque régionale – observe plutôt que cette percée des banques canadiennes à l’étranger profite à l’institution québécoise.
Louis Vachon s’anime quand on lui demande comment il interprète le succès des banques canadiennes dans leur déploiement sur les marchés étrangers. Que ce soit la TD ou la Banque de Montréal aux États-Unis ou la Scotia en Amérique du Sud, les institutions canadiennes ont résolument décidé d’augmenter leur base de déposants en réalisant des acquisitions à l’étranger.
« Plusieurs de mes collègues réalisent effectivement des percées à l’international, mais j’observe aussi qu’ils négligent leurs opérations canadiennes et nous, on en profite », constate avec une pointe de défi le PDG de la sixième banque canadienne.
Louis Vachon en veut pour preuve le succès qu’obtient depuis quelques années la Banque Nationale dans le marché des obligations canadiennes.
« Cette année et l’an dernier, on a été le numéro un au Canada des émissions d’obligations gouvernementales canadiennes. On est chef de file au Québec, en Ontario et en Colombie-Britannique. Il y a cinq ans, on était au quatrième rang. »
« On a beaucoup élargi notre champs d’intervention. Il y a trois ans, on faisait affaire avec trois banques centrales. Cette année, on avait 15 banques centrales comme contrepartie et l’an prochain on en aura 25 », précise le PDG.
Si la Banque Nationale n’aspire nullement à imiter ses concurrentes torontoises et à prendre de l’expansion à l’étranger, elle entend toutefois continuer à jouer pleinement son rôle de superbanque régionale.
Louis Vachon souligne néanmoins que 70 % du chiffre d’affaires de la BN dans le secteur des marchés financiers est réalisé hors Québec et que 50 % des activités de gestion de patrimoine sont aussi générées de l’extérieur du Québec.
Le PDG insiste aussi pour rappeler que la Banque Nationale est également l’institution financière qui accompagne le Québec inc. dans sa conquête des marchés étrangers.
« On a été le chef de file de tous les financements des dernières grosses transactions qui ont été réalisées dernièrement. Que ce soit l’acquisition de Couche-Tard en Norvège, celle de Logica par CGI en Europe ou encore l’acquisition de Genivar en Grande-Bretagne, on était là pour les accompagner », énumère-t-il.
Une solidité exemplaire
On le sait, depuis deux ans, la Banque Nationale figure en tête du palmarès des institutions bancaires les plus solides au monde. Elle est arrivée au troisième rang l’an dernier et au cinquième rang cette année.
« Je suis aussi fier du cinquième rang de cette année que de la troisième place de l’an dernier. »
« Cette année, on a augmenté deux fois notre dividende, on a réalisé deux acquisitions importantes (les services-conseils de la Banque HSBC et la firme de courtage Wellington West), on a racheté des actions ordinaires et on a augmenté notre volume de prêts de façon beaucoup plus importante que nos concurrents. »
« Toutes ces réalisations ont eu pour effet de réduire notre base de capital règlementaire, mais on arrive tout de même au cinquième rang », constate un Louis Vachon rayonnant.
Voilà un autre avantage que lui confère son statut de superbanque régionale, estime-t-il.
« L’an dernier, les trois banques les plus solides au monde étaient trois superbanques régionales, une Chinoise, une Suédoise et nous. Aux États-Unis, ce sont les superbanques régionales qui sont les plus solides. »
« Les grandes banques internationales comme Citicorp font peut-être des économies d’échelle, mais tu ne peux pas suivre aussi bien ton opération quand tu es dans 100 pays dans le monde », observe-t-il.
Nationalisme économique
La Banque Nationale a été l’an dernier un joueur actif dans la mise sur pied du consortium Maple qui a fait échouer l’acquisition de la Bourse de Toronto par le London Stock Exchange et qui est devenu le propriétaire du TMX.
Est-ce par nationalisme économique que Louis Vachon s’est impliqué comme il l’a fait dans cette transaction?
« Il y a peut-être un peu de ça. Mais on voulait surtout réaliser la vision qu’on avait développée lorsqu’on a fusionné les bourses de Montréal et de Toronto. Le rachat par Maple était la meilleure transaction, celle qui était la plus stratégiquement souhaitable. »
« Mais ce n’était pas du protectionnisme. On a beaucoup mis cela de l’avant pour expliquer les transactions récentes qui ont avorté. Que ce soit le London Stock Exchange et le TMX, BHP Billiton et Potash Corp. ou Lowe’s et Rona. »
« Ça n’a rien avoir avec le protectionnisme. C’était des acquéreurs potentiels et leurs conseillers financiers qui n’ont pas fait leurs devoirs et qui n’ont pas tenu compte des parties prenantes. »
« Quand tu fais une OPA, tu dois respecter une logique financière, une logique stratégique et une logique sociale. Ils ne l’avaient pas fait », expose, dans un haussement de ton, Louis Vachon.
À cet égard, il convient que l’OPA du holding chinois Cnooc sur la société pétrolière Nexen est beaucoup moins controversée parce qu’elle a été faite dans les règles de l’art.
« C’est une offre réfléchie qui a tenu compte de l’environnement social et politique et qui a inclu toutes les parties prenantes aux discussions », relativise-t-il.
Ceci dit, si Louis Vachon reconnaît l’importance du rôle des sièges sociaux dans l’économie québécoise, il est surtout préoccupé à les renforcer par des acquisitions à l’étranger.
« On accompagne le Québec inc., mais on accompagne aussi la nouvelle génération d’entrepreneurs qui veut prendre d’assaut les marchés partout où ils se trouvent. C’est notre rôle », dit-il.