Le Robin des banques américain…

Obama entre en croisade contre les banques

6 Septembre 2011
Régis Soubrouillard, Marianne

Coup de tonnerre dans le monde de la finance. Vendredi, l’agence fédérale de financement du logement (FHFA) a déposé vendredi à New York une plainte pour fraude à l’encontre des banques qu’elle considère comme responsables de la crise des subprimes. Au total, 17 banques, dont la Société générale devront passer à la caisse. Un revirement étonnant compte tenu de la mollesse affichée jusqu’ici par Washington dans cette affaire.

Les bourses internationales ne s’en sont pas encore remises. Pas tout à fait K.O. N’empêche que ce coup au foie leur fait du mal. Vendredi, l’Agence fédérale de financement du logement (FHFA) chargée de gérer les actifs hypothécares des géants Fannie Mae et Freddie Mac (5200 milliards du marché américain des hypothèques) déposait une plainte à New York pour fraude à l’encontre des banques qu’elle considère comme responsables de la crise des subprimes. Dix-sept établissements financiers devront passer à la caisse. Parmi elles, la Société Générale.

La FHFA estime que les dix-sept banques ont dissimulé certaines caractéristiques des titres qu’elles ont vendus, mentant sur les vérifications de la solvabilité des ménages emprunteurs. Au total, 200 milliards de titres auraient été vendus. « Les plaintes font état d’infractions à la loi fédérale régissant les actifs financiers et au droit (common law) dans la vente de titres adossés à des prêts hypothécaires résidentiels conçus par ces établissements », précise la FHFA.

Washington cherche à récupérer une partie des pertes encourues par les agences gouvernementales de refinancement hypothécaire Fannie Mae et Freddie Mac. Un revirement qui surprend compte tenu de la prudence et des louvoiements de l’administration Obama.

« Obama n’a pas de doctrine. Sa stratégie tient en un mot ou presque : la recherche du compromis, trouver une voie médiane qui ne lui coûte pas trop cher médiatiquement ».

Le verdict est sans appel. Signé Bob Woodward, célèbre journaliste du Washington Post à l’origine de la révélation du scandale du Watergate.

Obama cède face aux lobbys financiers

Au lendemain de sa victoire, sous l’impulsion, de son chef de cabinet, Rahm Emmanuel avait bien laissé entendre qu’il s’attaquerait à un certain nombre de lobbies.

Dans son livre à paraître le 8 septembre Mourir pour le yuan (éditions Bourrin), le journaliste Jean-Michel Quatrepoint démontre comment au fil du temps et de la crise, dans la lignée de Bush et Clinton, Obama aura laissé prospérer les cinq grands lobbies américains : militaro-indutriel, automobile et pétrolier, la chambre de commerce et les grandes entreprises, le lobby médical et last but not least le lobby financier.

C’est pendant l’interrègne, les deux mois qui séparent l’élection de la prise de pouvoir, que le secrétaire au Trésor, Tim Geithner, le responsable de son équipe économique, Lawrence Summers et Rahm Emmanuel préconisent « un traitement en douceur de Wall Street ».

Au cœur de la crise, leur raisonnement est assez simple. Plutôt que d’affronter les milieux financiers frontalement : « si le président veut faire passer sa réforme de la santé, à laquelle il tient tant; s’il veut sauver l’industrie automobile, pilier de l’activité économique de l’Illinois et de Chicago, s’il veut éviter un effondrement du système financier mondial, il faut aider Wall Street en injectant de l’argent dans les banques, en laissant la Réserve fédérale inonder le marché de dollars ». Dit autrement, Wall Street peut dormir tranquille, Obama a rendu les armes devant le lobby financier avant même que d’avoir combattu. C’est le Plan Geithner qui prévoit de nationaliser les dettes privées et privatiser les profits incarne cette capitulation face au système financier. L’économiste Paul Krugman le qualifiera de « désespérant ».

Obama, l’histoire d’une soumission? Un mal pour un bien? C’est ce que croyait le président américain qui entendait calmer les marchés pour obtenir quelques marges de manœuvre pour ce qui devait être sa grande réforme, celle de la santé. Contre-productif : « les risettes au lobby financier n’ont servi à rien. Bien au contraire » écrit Jean-Michel Quatrepoint, « ayant montré sa faiblesse — pour ne pas dire sa complaisance — à son égard, il a stimulé ses adversaires, à commencer par le lobby médical ».

L’idée d’une couverture médicale universelle est rapidement abandonnée. Obama négocie alors avec les assureurs privés la gestion de la couverture santé : « plus le président cherche le compromis, plus le lobby médical et des assurances se déchaîne contre lui ». Compromis un jour, compromis toujours.

Le Tea-Party, qui s’inscrit dans une longue tradition américaine du rejet de l’État et de chasse à l’impôt, fait sa percée sur la scène politique. Conscient d’être pris en tenaille, Obama tente de retourner la situation à son profit. Ses conseillers mollassons sont marginalisés. Avec Paul Volcker, qui milite pour interdire aux banques de détail de faire de la banque d’investissement, et une taxe sur grandes banques pendant une dizaine d’années, Wall Street redoute une ligne beaucoup plus dure. L’addition se chiffrerait en dizaines de milliards de dollars pour chaque établissement bancaire. Impossible.

Est-ce que les lobbies financiers entrent en action? C’est ce que suppose Jean-Michel Quatrepoint qui rappelle qu’au lendemain de cette annonce, la Cour Suprême des États-Unis votera par cinq voix contre quatre le droit pour les entreprises de financer directement des publicités pour les élections. Sans limitation de montant. Aux États-Unis, où souvent, « l’argent fait le président », Obama sent le danger et dénonce publiquement l’arrêt de la Cour. La guerre est déclarée.

Le parti républicain récolte à tout va et remporte les élections de mid-terms, la réforme du système de santé est édulcorée. Obama retrouve son penchant naturel pour le compromis. Tim Geithner et consorts reviennent à la manœuvre. Le lobby bancaire parvient même à placer deux de ses hommes au cœur de la Maison-Blanche. Il sortira encore affaibli du compromis sur la dette trouvé début août avec les républicains.

À moins d’un an de la présidentielle, l’Obama volontariste que son slogan de campagne laissait entrevoir a-t-il enfin compris qu’il était temps de s’attaquer frontalement au lobby bancaire? Ce serait une façon de se donner plus de chances de séduire les électeurs à un an de l’élection présidentielle, dans un pays où les banques sont considérées comme des parasites. En revanche, une ultime volte-face en ferait définitivement le président du compromis permanent.

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