AbitibiBowater a-t-elle quelque chose à cacher?
9 juin 2011
Carl Renaud, Argent
Les médias n’étaient pas les bienvenus à l’assemblée annuelle des actionnaires de la papetière AbitibiBowater (ABH), jeudi à Montréal. La société canado-américaine a refusé que les membres de la presse assistent à la rencontre.
Le porte-parole d’AbitibiBowater a indiqué à Argent que l’entreprise n’est pas la première à agir de la sorte même si les sociétés publiques accueillent normalement les médias lors de leur assemblée des actionnaires.
« Nous avons fait nos vérifications et il ne s’agit pas d’un précédent. Sur le plan légal, notre assemblée annuelle est une rencontre privée avec les actionnaires. Les participants doivent être actionnaires pour assister à l’assemblée », a expliqué Pierre Choquette, d’AbitibiBowater.
L’attitude d’AbitibiBowater a surpris le président du Mouvement d’éducation et de défense des actionnaires (MÉDAC), Claude Béland. L’ancien grand patron de Desjardins ne se souvient pas qu’une société publique du Québec ait déjà posé un geste semblable.
« La transparence est l’un des principes les plus importants en matière de saine gouvernance. C’est la première fois que j’entends une histoire comme ça. AbitibiBowater (maintenant une compagnie américaine) doit se plier aux règles du Québec », a exprimé Claude Béland, soulignant que les médias ne peuvent pas s’appuyer uniquement sur les communiqués de presse des entreprises.
Vérification faite. Ce genre de manœuvres survient occasionnellement aux États-Unis même si les membres de la presse sont presque toujours admis lors des assemblées annuelles d’actionnaires.
Au cours des dernières années, le détaillant Target et le moteur de recherche Yahoo ont refusé que les journalistes assistent à leur assemblée annuelle ou qu’ils puissent questionner les membres de leur direction. Ces événements sont survenus en 2006 et 2001.
La direction d’AbitibiBowater se défend de vouloir cacher de l’information aux médias en les éloignant de son assemblée annuelle.
« Aujourd’hui, il n’y a pas d’activité de prévue avec les médias. Ça ne veut pas dire qu’on renonce à parler aux membres de la presse. Nous l’avons fait il y a environ un mois et nous organiserons d’autres activités médiatiques dans le futur pour continuer à vous informer », a affirmé Pierre Choquette, porte-parole de l’entreprise
L’Autorité des Marchés financiers (AMF) s’est portée à la défense de la papetière. AbitibiBowater n’a enfreint aucune règle, en éloignant les médias, selon Sylvain Théberge, porte-parole de l’AMF
« Théoriquement, seuls les actionnaires et les vérificateurs peuvent assister à l’assemblée des actionnaires. C’est une question qui relève du président de l’assemblée », a précisé Sylvain Théberge.
Un avenir incertain
AbitibiBowater a complété sa restructuration financière en décembre 2010. La compagnie a enregistré une perte d’exploitation de 152 M $ l’an dernier alors que ses revenus ont atteint 4,75 G $.
Malgré ces résultats, l’ancien PDG de la papetière, David J. Paterson, a plus que doublé sa rémunération au cours de l’exercice 2010, à 2,38 M $.
L’avenir demeure incertain même si la société a déclaré des profits de 30 M $ au premier trimestre 2011.
« Les conditions de marché demeurent extrêmement difficiles. La demande de papier continue à chuter en Amérique du Nord malgré des ouvertures à l’étranger, au Brésil, en Asie et en Inde. On attend également la reprise des mises en chantier aux États-Unis pour accroître nos ventes de bois », a expliqué Pierre Choquette.
Pendant sa restructuration AbitibiBowater a fermé plusieurs usines et aboli 4000 emplois, principalement au Québec. La dette de la compagnie a été réduite de 88 %, passant de 6,8 G $ à 850 M $.
L’Assemblée nationale a d’ailleurs approuvé, mercredi, un projet de loi permettant à AbitibiBowater de prolonger de cinq à 15 ans le délai de renflouement de la caisse de retraite déficitaire de ses employés.