Valeurs mobilières : gros revers pour le projet de commission unique

31 mars 2011
Martin Vallières, La Presse

La Cour d’appel du Québec juge anticonstitutionnel le projet de commission nationale des valeurs mobilières dont le gouvernement fédéral et celui de l’Ontario font la promotion.

(Montréal) Le projet fédéral d’une commission unique de valeurs mobilières qui supplanterait les autorités provinciales subit un autre gros revers juridique quelques semaines après le dernier.

Après la Cour d’appel de l’Alberta, qui l’a déclaré anticonstitutionnel au début de mars, c’est au tour de la Cour d’appel du Québec de juger aussi le projet fédéral contraire aux juridictions législatives que lui accorde la Constitution canadienne.

Cette décision du plus haut tribunal québécois est sortie en fin d’après-midi hier, en suivi des trois jours d’audience qui avaient été tenus à la mi-janvier par cinq juges.

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Pour le gouvernement fédéral, il s’agit d’un autre jugement négatif à seulement deux semaines de l’audience spéciale en Cour suprême sur son projet de commission unique. D’autant plus que cette audience et l’opinion qui suivra de la part du plus haut tribunal au pays seront les étapes les plus décisives pour les nouvelles ambitions fédérales en matière de réglementation financière.

Mais déjà, hier, au gouvernement du Québec, on se réjouissait du jugement de la Cour d’appel et de son influence sur la suite de ce débat en Cour suprême.

« La Cour d’appel confirme le bien-fondé de la position du Québec dans son opposition au projet fédéral de commission unique des valeurs mobilières », a commenté le ministre des Finances, Raymond Bachand, par voie de communiqué.

« Le fait que les cours d’appel du Québec et de l’Alberta aient conclu que le gouvernement fédéral ne disposait pas des pouvoirs, en vertu de la Constitution canadienne, pour réglementer les valeurs mobilières est une preuve éloquente que les prétentions du Québec étaient fondées. »

De fait, les gouvernements des deux provinces les plus opposées au projet fédéral, le Québec et l’Alberta, se présenteront en Cour suprême les 13 et 14 avril prochains avec des jugements favorables de leur plus haut tribunal respectif.

À leurs côtés, on retrouvera les quatre autres provinces, dont la Colombie-Britannique, qui ont décidé de se rallier contre le projet fédéral sous sa forme actuelle. Il y aura aussi des organismes d’analyse des marchés financiers, tels que le Mouvement d’éducation et de défense des actionnaires (MÉDAC) et l’Institut sur la gouvernance d’organisation.

Du côté fédéral, les procureurs fédéraux se présenteront en Cour suprême avec ceux du gouvernement de l’Ontario, qui est très favorable au projet de commission unique dirigée de Toronto. Ils seront accompagnés de quelques-uns des plus gros lobbyistes financiers au pays, tels que l’Association des banquiers canadiens et l’Association canadienne du commerce des valeurs mobilières.

Mais, pour l’instant, l’un des opposants au projet fédéral qui seront entendus en Cour suprême, le président du MÉDAC, Claude Béland, était très satisfait et encouragé même par le jugement rendu par la Cour d’appel du Québec.

« Après le jugement de la Cour albertaine, c’est maintenant deux à zéro en faveur des provinces et contre le projet fédéral », a indiqué cet ex-président du Mouvement Desjardins.

« Et quand on considère les motifs constitutionnels contenus dans ces jugements, je crois que ça sera difficile sinon gênant pour la Cour suprême d’aller dans un sens contraire aux deux cours d’appel. »

Devant la Cour suprême, le MÉDAC concentrera son intervention sur les impacts négatifs sur les particuliers investisseurs et les PME en Bourse du remplacement des autorités provinciales actuelles par une commission unique sur direction fédérale.

« Ce projet fédéral risque de provoquer une forte dilution des intérêts des PME en Bourse. Quant aux petits investisseurs, ils risquent de perdre cette importante proximité des régulateurs financiers pour faire valoir leurs intérêts », selon M. Béland.

Cela dit, le président du MÉDAC a admis une certaine appréhension envers l’opinion juridique attendue de la Cour suprême, si elle décide de se prononcer comme « un jugement à la Salomon ».

« La Cour suprême pourrait autoriser le projet fédéral tout en laissant aux provinces la possibilité de s’en abstenir, et de conserver leurs commissions provinciales », a suggéré Claude Béland.

« Dans un tel cas, on se retrouverait avec une nouvelle commission fédérale avec quelques provinces, dont l’Ontario, et les commissions des provinces dissidentes comme le Québec. »

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