Le vote sur la rémunération des dirigeants porte ses fruits

26 mai 2010
Hélène Baril, La Presse

La Banque TD a réduit les avantages liés aux options d’achat d’actions accordées à ses cinq principaux dirigeants et aboli les options pour ses dirigeants des échelons inférieurs.

(Montréal) Des dirigeants qui se gardent une petite gêne quand vient le temps d’encaisser leurs primes. D’autres qui font des efforts pour simplifier leur rémunération. L’entêtement des petits actionnaires à ramener sur terre la rémunération des dirigeants des grandes entreprises donne des résultats.

« On a fait un progrès qui mérite d’être signalé », estime Louise Champoux-Paillé, secrétaire du Mouvement d’éducation et de défense des actionnaires (MÉDAC).

Mme Champoux-Paillé a fait une analyse des votes consultatifs tenus pour la première fois par les sept banques canadiennes lors de leur assemblée annuelle 2010. Le bilan est positif, selon cette analyse qui sera rendue publique lors de l’assemblée annuelle du MÉDAC, le 31 mai, et que La Presse Affaires a pu consulter hier.

Celle qui se passionne pour les droits des petits actionnaires est particulièrement satisfaite de deux choses. La Banque Scotia, par exemple, a accepté de fixer un plafond aux primes de rendement versées à ses dirigeants et s’est donné la possibilité de les éliminer si les résultats ne sont pas au rendez-vous. « C’est un changement important quand on sait que les primes sont généralement versées en tout temps », estime Louise Champoux-Paillé.

Son autre satisfaction vient de la Banque TD, qui a réduit les avantages liés aux options d’achat d’actions accordées à ses cinq principaux dirigeants et qui a aboli les options pour ses dirigeants des échelons inférieurs.

Le MÉDAC s’oppose au versement d’une partie croissante de la rémunération des patrons en actions, qui a conduit à des niveaux rémunérations qu’il juge « excessifs et indéfendables ». Le plus souvent, l’augmentation du cours de l’action en Bourse n’a rien à voir avec le travail des dirigeants, rappelle Louise Champoux-Paillé, qui cite une étude des professeurs Sylvie St-Onge et Michel Magnan qui a établi que les taux d’intérêt faibles et le contexte économique favorable ont expliqué 90 % de l’évolution de la cote boursière des banques canadiennes entre 1988 et 2008.

Beaucoup à faire

Il y a encore beaucoup à faire pour que la rémunération des hauts dirigeants des banques comme des autres grandes entreprises soit plus réaliste, reconnaît Mme Champoux-Paillé. Le vote consultatif « n’a pas du tout réglé l’ensemble de nos préoccupations, note-t-elle, mais c’est un pas dans la bonne direction »

La rémunération totale des dirigeants des 100 plus grandes entreprises cotées en Bourse n’a augmenté que de 0,8 % en 2009, selon une estimation du Globe&Mail. Le MÉDAC y voit l’effet des votes consultatifs sur la rémunération, qu’on appelle en anglais « say on pay », mais aussi l’impact de la récession.

La rémunération pourrait bien se remettre à augmenter rapidement avec la reprise économique, prévoit le MÉDAC, qui n’abandonnera pas le combat. Louise Champoux-Paillé veut continuer la bataille sur le ratio d’équité, qui compare la rémunération du grand patron et la rémunération moyenne des employés de son entreprise.

C’est la Banque Scotia qui détient actuellement le ratio d’équité le plus élevé parmi les banques canadiennes. Son grand patron gagne 156 fois plus que la moyenne de ses employés, comparativement à 72 fois pour celui de la Banque Nationale et 63 fois pour le patron de la Banque de Montréal.

L’autre cible dans la ligne de mire du MÉDAC, ce sont les régimes de retraite des hauts dirigeants, qui accroissent sensiblement leur rémunération et qui ne sont actuellement pas pris en compte dans le calcul.

Il faut être tenace, note Louise Champoux-Paillé. En Grande-Bretagne, où le vote sur la rémunération des dirigeants est une réalité depuis 2002, ce n’est que cette année que les actionnaires ont réussi à s’opposer par un vote majoritaire aux politiques de rémunération de certaines grandes entreprises.

Une étude britannique constate que le « say on pay » a, de manière générale, amélioré la gouvernance des entreprises, même s’il n’a pas empêché la rémunération d’augmenter.

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