Plus l’encadrement est féminin, plus l’entreprise réussit

21 février 2010
Michel Ferrary (SKEMA Business School), Rue89

Une étude montre que les entreprises ayant un taux de féminisation élevé obtiennent de meilleurs résultats que les autres. BNP Paribas, la banque qui a le mieux résisté à la crise, est aussi celle qui a l’encadrement le plus féminisé.

L’encadrement des entreprises du CAC40 est en moyenne féminisé à hauteur de 29,59 % avec un minimum de 8 % (EADS) et un maximum de 57 % (LVMH et Hermès). Cette disparité des genres dans les entreprises est généralement appréhendée sous un angle moral pour dénoncer la discrimination à l’égard des femmes, notamment dans l’accès aux postes de management.

D’autre part, les politiques en faveur d’une plus grande égalité sont perçues par les décideurs économiques comme étant des actions sociales par nature contre-productives pour l’entreprise. Cette supposition ne s’appuie sur aucun élément tangible. Au contraire.

Ue étude réalisée sur les entreprises du CAC40 sur la période 2002-2006 montre que les entreprises ayant un taux de féminisation de leur encadrement supérieur à 35 % ont des performances supérieures aux autres en matière de croissance, de rentabilité, de productivité du travail et de création d’emplois.

Le seuil de 35 % est déterminant

Le seuil de 35 % est important car il a été identifié par des sociologues comme étant le seuil minimum pour qu’une minorité au sein d’une organisation influence le fonctionnement de celle-ci.

Sur la période 2002-2006, les 14 entreprises du CAC40 qui ont plus de 35 % de femmes dans leur encadrement, ont connu en moyenne une croissance de 23,54 % de leur chiffre d’affaires. Les 28 entreprises qui ont moins de 35 % de femmes dans leur encadrement ont connu une hausse de leur chiffre d’affaires limitée à 14,61 %. La différence de performance entre les deux groupes est de 61,12 %.

En ce qui concerne la rentabilité (somme des résultats opérationnels sur 5 ans/somme du chiffre d’affaires sur 5 ans), les 14 entreprises à l’encadrement féminisé ont, en moyenne, une rentabilité de 19,55 % contre 9,97 % pour les 28 autres. La différence de performance entre les deux groupes est de 96,09 %.

En matière de productivité du travail (moyenne sur cinq ans de la productivité annuelle des salariés), les 14 entreprises à l’encadrement féminisé ont une productivité du travail supérieure de 33,88 % à celle des 28 entreprises dont l’encadrement est féminisé à moins de 35 %.

En matière de création d’emplois, les 14 entreprises à l’encadrement féminisé ont connu en moyenne une augmentation de 18,88 % de leur nombre d’emplois et les 28 autres n’ont connu qu’une augmentation de 7,36 % de leur nombre d’emplois, soit une différence de 156,52 %.

Les entreprises dont l’encadrement est le plus féminisé sont également celles qui ont les meilleures performances économiques.

Ainsi, Renault dont l’encadrement est féminisé à hauteur de 23 % a connu une croissance de 11 % sur la période 2002-2006 alors que celle de Peugeot, dont l’encadrement est féminisé à 18,5 %, n’a été que de 4 %

Les femmes ont un comportement différent face au risque

Les éléments d’explication relèvent de l’influence favorable que peut avoir une plus grande diversité des ressources humaines dans l’entreprise. Une entreprise qui recrute autant de cadres femmes que hommes accroît mécaniquement son vivier de talents.

La diversité des sexes apporte une diversité des systèmes de représentation des individus et donc des questionnements et des solutions différentes.

Plusieurs études américaines ont montré que les femmes et les hommes ont une approche et un comportement différent face au risque. La banque qui a le mieux résisté à la crise financière, en l’occurrence BNP Paribas, est également la banque dont l’encadrement est le plus féminisé (41,4 %) alors que Dexia est la banque qui a essuyé les pertes les plus importantes, notamment à cause de ses investissements spéculatifs, n’a un encadrement féminisé qu’à 18,4 %.

Des femmes chefs de projet chez Volvo

L’exemple de Volvo illustre l’intérêt de la diversité des sexes. Partant du constant que les femmes sont parties prenantes dans la décision d’achat d’un véhicule (elles représentent 54 % des acheteurs de Volvo aux Etats-Unis), l’entreprise a lancé en 2002 un projet de concept car : « Your Concept Car » dont les neuf chefs de projet étaient des femmes.

L’idée était que les femmes ont des attentes différentes des hommes à l’égard de leur voiture et qu’un véhicule conçu par des femmes répondrait d’autant mieux aux attentes des clientes.

Ce concept car, finalisé en 2004, a conduit à des évolutions dans la conception des voitures en matière d’accessibilité, de rangement, de visibilité et d’entretien pour mieux répondre aux attentes des conductrices. La diversité des sexes au sein de l’encadrement constitue un avantage concurrentiel durable pour l’entreprise.

L’effort de féminisation ne doit pas se limiter aux conseils d’administration

S’il est facile d’accroitre la féminisation des conseils d’administration pour atteindre des quotas, féminiser l’encadrement demande plus d’efforts.

Par exemple, un conseil d’administration de 14 personnes qui comprend 2 femmes (féminisation de 14 %) n’a à recruter que quatre femmes (et faire partir 4 hommes) pour atteindre le quota de 40 % prévu par le projet de loi sur la féminisation des conseils d’administration.

En revanche, une entreprise qui emploie 10 000 cadres, dont 14 % sont des femmes, devra recruter 2 600 femmes cadres et faire partir autant d’hommes pour atteindre une proportion de 40 % de femmes cadres. Ce changement est irréalisable à court terme et confère de ce fait un avantage durable aux entreprises qui ont déjà ce niveau de diversité.

Ce texte est une synthèse des conclusions d’un article de recherche qui sera publié dans le numéro d’avril de la revue du CNRS Travail, genre et sociétés.

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