Londres, les rémunérations des gérants du capital investissement dans le collimateur du fisc
11 novembre 2020
Anne Drif, Alexandre Counis, Les Ăchos
Alors que lâĂ©conomie est frappĂ©e par la pandĂ©mie, le Chancelier de lâĂchiquier rĂ©flĂ©chit Ă aligner davantage la fiscalitĂ© du capital sur celle des revenus. Vent debout, les gĂ©rants de la premiĂšre place europĂ©enne du non cotĂ© mettent en avant leur rĂŽle dans la relance, et le risque de fuite vers des juridictions plus accommodantes.
Le Covid-19 va-t-il mettre fin aux confortables avantages fiscaux des gĂ©rants du private equity? Le doute saisit les investisseurs sur les deux principaux marchĂ©s du non cotĂ©, alors que Joe Biden pourrait sây attaquer aux Ătats-Unis et que le gouvernement a lancĂ© un chantier de rĂ©vision de sa politique fiscale au Royaume-Uni.
RĂ©sultat dâun intense lobbying menĂ© au nom de lâattractivitĂ©, les gĂ©rants sont moins taxĂ©s sur leurs plus-values que sur leurs salaires dans la plupart des juridictions clĂ©s du capital investissement. Mais avec la pandĂ©mie, les gouvernements ont besoin de renflouer les comptes publics et de faire un geste politique vis-Ă -vis des contribuables.
Sous couvert de simplification, le gouvernement britannique a lancĂ© cet Ă©tĂ© un chantier de rĂ©examen de sa politique fiscale qui pourrait le conduire Ă aligner, dans le domaine du capital investissement, la taxe sur les plus-values (28 %) â appelĂ©e « carried interest » chez les fonds â sur celle des revenus (jusquâĂ 45 %). Une premiĂšre phase de consultation sâest achevĂ©e cette semaine.
« La dĂ©cision sur les âcarried interestâ nâest pas imminente. Il faudra trancher dâici Ă la prĂ©sentation du nouveau budget en mars prochain, si le gouvernement dĂ©cide quâil est important ou non de faire quelque chose », explique-t-on dans lâentourage du ministre des Finances, Rishi Sunak. Si les ministres appuient la rĂ©forme, celle-ci pourrait entrer en vigueur dĂšs lâan prochain, fait nĂ©anmoins valoir le « Financial Times ».
« MĂȘme François Hollande nâa pas osĂ© »
Ă la City, on tĂ©moigne pour lâheure dâune relative sĂ©rĂ©nitĂ©. « Il nây a aucune inquiĂ©tude ici, lĂąche un gĂ©rant dâun gros fonds anglo-saxon. Si le âcarriedâ Ă©tait traitĂ© comme du salaire, alors toutes les plus-values le deviendraient⊠mĂȘme votre prĂ©sident Hollande nâa pas osĂ©! Alors un gouvernement britannique⊠»
Un autre abonde : « Câest un serpent de mer. En pĂ©riode de Brexit, qui plus est, il nâest vraiment pas sĂ»r que cette rĂ©forme aille au bout. Une telle dĂ©cision ferait fuir du monde et la Grande-Bretagne doit protĂ©ger son attractivitĂ© ».
Câest tout lâargumentaire relayĂ© par la puissante association des fonds britanniques. Dans une rĂ©ponse dĂ©taillĂ©e, la BVCA met dans la balance non seulement sa participation Ă lâeffort de relance post-pandĂ©mie, mais aussi lâeffet contre-productif dâune telle mesure qui inciterait les gĂ©rants de fonds Ă partir vers des destinations fiscales plus accommodantes. Le Luxembourg et Jersey ont dĂ©jĂ largement profitĂ© des craintes des sociĂ©tĂ©s dâinvestissement liĂ©es au Brexit.
« Les membres de la BVCA ont investi 43 milliards de livres dans 3â230 sociĂ©tĂ©s britanniques entre 2015 et 2019, dont 60 % se situaient en dehors de Londres, dont les Midlands et le Nord de lâAngleterre pour 11 milliards de livres », argue lâassociation. Et de rappeler que 972â000 emplois sont soutenus par le private equity outre-Manche.
Le taux a progressé depuis la crise financiÚre
« Le Royaume-Uni a lâun des taux de taxation sur les âcarried interestâ les plus Ă©levĂ©s en Europe et au niveau international, insiste lâassociation. Par comparaison, la France, lâAllemagne et lâItalie nâappliquent pas des taux plus Ă©levĂ©s ». Et certains pays amĂ©liorent encore leur rĂ©gime fiscal, comme lâHexagone pour les expatriĂ©s.
Le rĂ©gime anglais sâest durci ces derniĂšres annĂ©es. Avant la crise financiĂšre, ces plus-values de cession nâĂ©taient taxĂ©es quâĂ 10 %, puis le taux est remontĂ© successivement Ă 18 %, puis 28 %.
Selon la London School of Economics et lâUniversitĂ© de Warwick, seules 2â000 personnes se seraient acquittĂ©es dâun total de 2,3 milliards de livres de taxes au titre des « carried » en 2017. Un relĂšvement du niveau de taxation au niveau de celui sur les salaires aurait cependant un effet marginal (440 millions de livres), selon le « Financial Times ». Mais le symbole serait fort.