Couche-Tard doit être exemplaire, dit Alain Bouchard
2018-09-21
Jean-Philippe Décarie, La Presse
Signe des temps et aussi résultat de l’usure du temps, Couche-Tard a accepté hier, lors de l’assemblée annuelle de ses actionnaires, de revoir certaines de ses règles de gouvernance. L’entreprise soumettra dorénavant la politique de rémunération de ses hauts dirigeants à un vote consultatif de ses actionnaires, tout comme elle produira dès l’an prochain un rapport de développement durable.
C’est à la suite de demandes répétées et incessantes de certains de ses actionnaires, notamment du MÉDAC, le Mouvement d’éducation et de défense des actionnaires, qui demande chaque année depuis 2011 que la rémunération des hauts dirigeants de Couche-Tard soit soumise à un vote consultatif de ses actionnaires, que l’entreprise a, de guerre lasse, finalement cédé hier.
Il s’agit d’un retournement de situation inattendu, puisque dans la circulaire que Couche-Tard a fait parvenir à ses actionnaires en vue de l’assemblée annuelle, la direction demandait encore une fois à ses actionnaires de voter contre cette proposition.
Couche-Tard demandait également à ses actionnaires de s’opposer à la publication d’un rapport annuel de développement durable que lui demandaient de rédiger deux de ses actionnaires, soit les caisses de retraite Bâtirente et PGGM.
« Avec le temps, on a cheminé et on a accepté de soumettre la rémunération de nos hauts dirigeants à un vote consultatif de nos actionnaires. La plupart des entreprises le font aux États-Unis et les grandes entreprises canadiennes aussi.
« On aurait dû signifier notre accord dans la circulaire, mais on a eu des problèmes techniques à l’interne », m’a expliqué Alain Bouchard, en marge de l’assemblée de ses actionnaires.
« Ces modifications vont être en vigueur à la prochaine assemblée annuelle l’an prochain. »
— Alain Bouchard
Durant l’assemblée, le président exécutif du conseil a expliqué que Couche-Tard devait être guidée par des politiques de gouvernance exemplaires.
L’entreprise qui exploite des commerces de proximité dans 25 pays a enregistré les plus importants revenus annuels au Canada, alors que les ventes ont bondi de 38 à 51 milliards durant son dernier exercice financier.
« On va publier un rapport annuel de développement durable qui va faire le bilan de notre impact environnemental et sociétal sur toute la chaîne de valeur de nos opérations. On veut être transparents », a renchéri Brian Hannash, le PDG de Couche-Tard, en entrevue.
La direction de Couche-Tard a toutefois refusé d’accéder à une troisième proposition du MÉDAC, qui souhaitait que les résultats des votes à l’assemblée annuelle soient ventilés selon les classes d’actions, pour voir l’effet réel des actions à droit de vote multiple qui sont détenues par les quatre fondateurs de l’entreprise.
Alain Bouchard estime que cette proposition n’est plus nécessaire puisque les actions à droit de vote multiple vont être transformées en actions ordinaires en 2021 lorsque prendra fin la « clause crépusculaire » qui garantissait aux fondateurs de Couche-Tard 10 votes pour chacune de leurs actions, leur assurant ainsi une majorité de contrôle de l’entreprise.
Les fondateurs de Couche-Tard avaient tenté en 2015 de mettre fin à cette disposition afin de pouvoir conserver leur majorité de votes, mais de gros investisseurs institutionnels du groupe s’y étaient opposés.
« En 2021, il ne va y avoir que des actions ordinaires. On l’accepte parce qu’on a de très bonnes règles de gouvernance et que l’on agit toujours pour le bien de tous les actionnaires. On ne craint pas l’arrivée d’investisseurs activistes qui pourraient tenter de prendre le contrôle de l’entreprise.
« On a atteint une taille qui rend difficile une prise de contrôle hostile. Par contre, s’il y a une offre amicale qui se présente, on l’étudiera », avance, avec un large sourire, Alain Bouchard.
Cela dit, Couche-Tard travaille toujours activement à sa nouvelle transformation, induite par la révolution numérique.
« Une étude du Forum économique mondial indique que l’industrie du commerce de détail va subir davantage de transformations au cours de la prochaine décennie qu’elle n’en a connu au cours des 40 dernières années », explique Alain Bouchard.
Couche-Tard multiplie les initiatives qui visent à simplifier la vie de ses employés en magasin. Le recours aux robots et à l’intelligence artificielle est une réalité que l’entreprise explore activement.
À cet égard, l’arrivée du géant Amazon dans le monde du commerce de proximité avec l’ouverture potentielle de 3000 dépanneurs Amazon.go aux États-Unis d’ici 2021 n’inquiète pas du tout le fondateur de Couche-Tard.
« On parle de 3000 magasins qui vont s’ajouter aux 160 000 qui existent déjà aux États-Unis. On a visité le magasin d’Amazon à Seattle. C’est impressionnant, mais ce n’est pas une menace.
« [Ces magasins] ne peuvent pas vendre de produits réservés aux adultes – alcool, cigarettes, loterie – parce qu’ils n’ont pas de préposés à la caisse.
« On va nous aussi développer des magasins avec des caisses automatiques, mais on va toujours avoir des caisses avec préposés pour répondre aux besoins de nos clients », souligne le spécialiste du détail.
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