La protection du consommateur à risque
2016-12-05
Me Gérard Guay, notaire, président de la Chambre des notaires du Québec
Point de vue, Le Soleil
La Chambre des notaires du Québec n’a jamais hésité à prendre position lorsque des projets de loi mettaient à risque la protection juridique et financière des citoyens. Tel est le cas avec le projet de loi C-29, actuellement étudié par la Chambre des communes à Ottawa, qui permettra aux banques de contourner la Loi sur la protection du consommateur (LPC) du Québec. Selon nous, il urge de bloquer ce projet.
La nouvelle loi affaiblira la protection actuelle des Québécois
Ce projet de loi propose des règles pour l’ensemble du Canada et encadrera les relations entre les banques et leurs clients. Son effet principal est d’exclure les banques de l’application de la LPC, alors que celle-ci constitue un cadre strict fait dans l’intérêt du public.
Les consommateurs québécois ont beaucoup à perdre avec le projet de loi C-29, selon la Chambre des notaires du Québec.
Or, la Cour suprême du Canada a conclu, en 2014, que cette loi provinciale s’appliquait aux banques et que celles-ci devaient s’y conformer. La Chambre craint que le projet C-29 remette en cause les conclusions du plus haut tribunal du pays. Le gouvernement fédéral devrait privilégier la cohabitation des règles fédérales et provinciales en matière de protection du consommateur, et ce, afin de s’assurer que la règle la plus favorable s’applique au citoyen. À preuve : certaines normes liées à la téléphonie cellulaire, prévues à la loi québécoise, et d’autres, plus souples, imposées par le CRTC, coexistent depuis plusieurs années. Pourquoi le législateur fédéral tient-il à créer une nouvelle zone d’ombre en matière bancaire?
Moins de mordant
Le consommateur fait face à une panoplie d’instruments de crédit sophistiqués pour ne pas dire complexes. Lorsqu’une banque lui accorde un prêt, il est essentiel que celui-ci puisse disposer de tous les renseignements nécessaires pour prendre une décision éclairée. Il doit aussi disposer de recours légaux impartiaux et exécutoires lorsqu’il considère avoir été lésé. Le projet C-29 remet pourtant en question ces acquis pour les Québécois.
Alors que la LPC est d’ordre public et permet ce qui précède, elle deviendra ineffective avec C-29. Qui plus est, les consommateurs lésés devront dorénavant s’adresser à l’Ombudsman des banques qui formulera des recommandations. Les banques auront la liberté de les appliquer… ou pas.
Les consommateurs québécois ont beaucoup à perdre avec le projet C-29. D’une part, les banques auront plus de latitude, et d’autre part, les consommateurs seront moins bien protégés. Ce débat constitutionnel ne fait vraiment pas de cadeau aux Québécois.