Des capitaliens « pleins de promesses et d’assurances »

2014-12-08
Normand Caron

Cette semaine, je vous ai concocté un carnet un peu plus familier que le précédent, mais qui risque de vous donner le vertige, tant les épargnes engrangées sont impressionnantes. Je décris un type particulier d’investisseur très discipliné, doté d’une vision à très, très long terme. Pour la suite de mes carnets, je les ai baptisés « les capitaliens pleins de promesses et d’assurances ».

Une réalité que j’ai décidé de personnaliser par deux salariés de la fonction publique: Jimmy en Gaspésie et Stéphane en Montérégie. Le premier enseigne dans une école secondaire, le second est gestionnaire des ressources humaines dans un centre hospitalier. Ils représentent les 560 000 employés de l’État québécois et les 90 000 salariés québécois du gouvernement fédéral. Ils engrangent à chaque paie, une montagne d’épargnes pour leurs « vieux jours » ou pour parer à d’éventuels imprévus en souscrivant à des polices d’assurances-vie et autres. Ils le font grâce à des ententes contractuelles entre groupes de salariés et d’employeurs. De l’épargne forcée qui donne droit à une « promesse », car dans leur cas, leur régime de retraite est majoritairement « à prestations déterminées ».

Regardons d’abord les sommes d’épargne retraite en jeu, un véritable casse-tête difficile à assembler. Selon une étude réalisée par la Régie des rentes du Québec (RRQ) en 2010[1], (mais hélas, non reconduite depuis), partiellement mise à jour cependant en 2013 par le comité d’experts présidé par M. Alban D’Amours[2], nos deux épargnants seraient au nombre des 4 millions de travailleurs cotisants au Régime des rentes du Québec (RRQ). Parmi ceux-ci, 2 millions participent en plus à des régimes complémentaires de retraite (RCR). Comme je ne veux pas vous étourdir par des tas de statistiques, je vous réfère à l’excellent graphique publié à la page 33 du rapport D'Amours.

Selon les diverses sources consultées, ces capitaliens auraient accumulé à ce jour, plus de 348 milliards d’actif net. Déclinons les évaluations au 31 décembre 2013 :

  • Régime des rentes du Québec (RRQ) : actif net confirmé de 46 milliards (augmentation de 20 milliards en 5 ans ou 77 %), géré par la Caisse de dépôt et de placement
  • Régime de retraite des employés du gouvernement du Québec (RREGOP) : actif net confirmé de 98 milliards,(augmentation de 38 milliards en 5 ans ou 63 %), géré par la Caisse de dépôt et de placement
  • Régimes complémentaires de retraite sous surveillance de la RRQ : actif net confirmé de 117 milliards,(augmentation de 18 milliards en 5 ans ou 18 %), dont le tiers est géré par la Caisse de dépôt et de placement
  • Régimes complémentaires de retraite sous surveillance autre que la RRQ : actif net estimé de 52  milliards,(augmentation inconnue en 5 ans )
  • Autres régimes collectifs divers (de type REER ou de participation aux bénéfices) : actif net estimé de 35 milliards (sur la base de données de la RRQ de 2008), géré principalement par des établissements financiers.
  • TOTAL DES ACTIFS FINANCIERS "CONTRACTUELS" SOUS GESTION : 348 MILLIARDS

Ces milliards engrangés dans les « caisses de retraite », donnent droit à une « promesse virtuelle ». C'est-à-dire qu'à une date prédéterminée, Jimmy et Stéphane pourront récupérer leur investissement patient, sous forme de rente, correspondant généralement à 70% de leur revenu de salarié, s'ils rencontrent tous les critères fixés dans l'entente initiale. Sans vouloir intervenir directement dans le débat public actuel sur l’avenir des régimes de retraite, je veux que vous preniez conscience des sacrifices auxquels ils ont consentis pour accumuler  cette « promesse ».

Je ne saurai terminer ce carnet sans mentionner un autre immense réservoir d’épargne collective que nous nous sommes bâti depuis tant d’années (même si techniquement, il ne fait pas partie des actifs financiers personnalisés) Je veux parler des polices d’assurance-vie en vigueur auxquelles nous avons souscrit, individuellement ou collectivement, afin d’assurer à nos descendants des primes pour leur permettre de sécuriser leur avenir.

Dans le rapport annuel que l’Autorité des marchés financiers (AMF) a présenté au ministre des Finances sur les affaires de tous les assureurs exerçant au Québec pour l’année ayant pris fin le 31 décembre 2012[3], on peut y lire ceci :

« Le nombre de polices d’assurance vie individuelle en vigueur à cette date reste inchangé à 4,4 millions tandis que le montant assuré des polices en vigueur atteint 500,2 milliards de dollars, en hausse de 5 %. Quant au nombre de certificats d’assurance vie collective en vigueur à la fin de l’exercice, celui-ci est en légère baisse à 7,9 millions, tandis que le montant assuré des certificats en vigueur se chiffre à 332,3 milliards de dollars, en hausse de 0,9%. »

Si ma calculatrice ne se trompe pas, les québécois auraient souscrit 12,3 millions de polices ou de certificats d’assurance vie pour une population qui ne compte somme toute, que 3,4 millions de ménages et 8,1 millions d’habitants. Et la même calculatrice me dit que si tous nos assurés sur la vie claquaient en même temps une crise cardiaque fatale, les assureurs auraient l’obligation de débourser la rondelette somme de 832,5 milliards.

Le décompte des actifs financiers est maintenant complété. Je pourrai la semaine prochaine dresser un premier bilan global de notre richesse collective, en intégrant deux autres variables : la valeur de notre patrimoine immobilier résidentiel et ce que vous attendez bien sûr depuis le début de ces carnets : le lourd fardeau de nos DETTES.


[1] http://www.rrq.gouv.qc.ca/fr/services/publications/etudes/retraite/Pages/portrait_marche_retraite_qc.aspx

[2] http://www.rrq.gouv.qc.ca/fr/services/publications/avenir_systeme_retraite/Pages/avenir_systeme_retraite.aspx

[3] http://www.lautorite.qc.ca/files/pdf/publications/autorite/rapports-annuels/assurances/rapp-annuel-assur-2012.pdf

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