De Scott Gomez à John Bogle

2014-11-10
Normand Caron

La première partie de ce 5e carnet vous fera découvrir une toute nouvelle approche d’investissement utilisée par un nombre grandissant de capitaliens mutualisés[1] : investir dans des « fonds de suivi indiciel négociés en bourse » (FNB). Dans la 2e partie, je vous raconterai la fin des déboires financiers de Germain et l’élégance de sa sortie de crise.

1.

Tout « capitalien (devenu) indiciel » est redevable à John « Jack » Bogle, un économiste et financier américain, né en 1929. Vous n’avez jamais entendu parler de lui? Pourtant il a révolutionné l’industrie des fonds communs de placement. Une histoire incroyable! Son slogan était : « Si vous ne pouvez battre le marché, essayez au moins de le suivre! » Sa thèse de doctorat à l’Université Princetown (Pennsylvanie) portait sur les difficultés des gestionnaires de fonds communs de placement à faire mieux que leur indice de référence. Il a fait fortune en créant en 1974 la firme Vanguard Management Asset proposant aux investisseurs de faire fructifier leurs épargnes à l’intérieur de fonds à gestion « passive », sans verser de commissions aux vendeurs, afin de garder les frais de gestion le plus bas possible.

Sa trouvaille était aussi simple que l’œuf de Christophe Colomb : choisir un indice boursier (ex. le Dow Jones qui regroupe les 30 plus importantes entreprises américaines cotées à Wall Street), en comprendre la composition, mesurer le poids relatif donné à chacune par le concepteur de l’indice, pour finalement transformer intégralement ce portefeuille « virtuel » en portefeuille « réel » avec de vraies actions qui respectent scrupuleusement les proportions de chacune dans l’indice virtuel. Donc, aucun gestionnaire « actif » à payer pour choisir un titre ou en éliminer un autre, sous prétexte qu’il sera plus ou moins performant dans le futur. La stratégie de distribution de ses fonds indiciels se révélait tout aussi innovante. Plutôt que de faire appel à des réseaux de conseillers financiers rémunérés à commission, il opta pour la bourse en direct, inscrivant ses fonds à la cote boursière et plaçant les parts auprès de courtiers en valeurs mobilières déjà accrédités.

Aujourd’hui âgé de 85 ans, il donne des conférences à travers le monde. Sa plus récente, présentée à Washington le 31 octobre dernier, s’intitulait « Valeurs, éthique et structure en finance ». Je vous invite fortement à cliquer sur l’hyperlien ci bas pour apprécier et prendre la pleine mesure de son discours[2]. À mes yeux, il a été un précurseur et il mérite le titre de « premier capitalien » de la planète financière.

2.

Avant d’entreprendre la lecture de ce gourou de la finance, permettez que je vous raconte la suite et la fin de la descente aux enfers de notre ami Germain, décrite dans le carnet précédent. J’ai appris qu’il avait enfin bougé, fin février 2012, juste avant la fin de la « saison des REER » Qu’est-ce qui l’a convaincu? Qu’a-t-il fait ? Écoutons-le :

« D’abord, il a fallu que je liquide mes parts dans ce fonds d’actions minable. Pas facile! Mon conseiller financier (lié au manufacturier) ne le prenait tout simplement pas! J’ai dû résister à toute une gamme d’arguments et de prétextes, me débattant chaque fois que je devais justifier mon choix de me retirer. On a même démoli devant moi, avec toute une batterie de pseudo-spécialistes (comme des « chearleaders ») que les FNB n’étaient vraiment pas pour moi. Beaucoup trop faciles à liquider, disaient-ils! Si les fluctuations à la Bourse devenaient trop fortes, je n’aurais jamais pu résister à la tentation de vendre! Et tutti quanti!

Pendant plusieurs mois, avec l’aide du MÉDAC, j’ai consulté plusieurs documents et banques de données pour essayer de savoir ce qui m’avait coûté aussi cher, notamment en 2008. Je suis tombé sur une étude sur la rémunération des hauts dirigeants de sociétés canadiennes qui font appel à l’épargne publique des citoyens et qui en plus gèrent leurs épargnes. Quand j’ai pris connaissance de ces chiffres, j’ai eu une pensée pour… Scott Gomez[3], celui qui a été payé des millions par le Canadien de Montréal… mais qui n’a jamais scoré de buts! En feuilletant les circulaires de la direction du ‹ holding › qui avait géré mes épargnes de 2003 à 2012 (disponibles sur sedar.ca), la moutarde m’est montée au nez! En colère, j’ai failli rallier le mouvement ‹ Occupy Bay street ›, ne serait-ce que pour conserver une certaine estime de moi.

En bref, mes recherches et enquêtes ont démontré qu’en 2008, alors que je subissais une moins-value de 39,3 % de mon portefeuille, les 5 principaux gestionnaires de mes épargnes empochaient la mirobolante somme de 38 millions $ (une hausse de 48 % par rapport à l’année précédente ). Sur 10 ans de participation à leur fonds de placement, ils ont coûté aux épargnants la modique somme de 160 831 024 $. Et c’est sans compter les options d’achat d’actions, ni la rémunération et les jetons de présence des membres du conseil d’administration.

Le 6 février 2012, en lisant La Presse-Affaires[4], ma décision était prise : j’allais orienter mes dollars (rescapés de l’aventure malheureuse de la gestion active) vers un fonds de suivi indiciel purement québécois, lancé par la Banque nationale sur la base d’un indice virtuel conçu par la firme Morningstar et dont la cote au TSX est QXM.

Le 26 février 2012, je suis donc devenu propriétaire (une fraction microscopique, il va de soit!) de 53 entreprises « québécoises » avec une capitalisation boursière totale de plusieurs milliards. En deux ans, mon investissement a progressé de 23,58 %., la meilleure performance de toutes les bourses nord-américaines. La seule ombre au tableau pour moi a été de constater qu’une des entreprises à avoir tiré le fonds QXM vers le bas durant cette période, c’est celle qui avait maltraité mes épargnes depuis 10 ans! De toute évidence, elle n’avait pas encore congédié ses SCOTT GOMEZ de la finance! »

Invitation aux lecteurs de ce carnet : si vous devinez de quel holding il s’agit, prière de communiquer avec moi au courriel suivant : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.

La semaine prochaine : le « capitalien créateur d’emplois »


[1] Mes recherches à ce jour ne me permettent pas de quantifier l’importance de ces nouveaux produits dans les actifs financiers des ménages québécois. Écrivez-moi si vous possédez des données là-dessus.

[2] Son carnet numérique (blogue*) : http://johncbogle.com/wordpress/, le vidéo en question ›››

[3] Scott Gomez. Le site internet wikipedia.org peut vous renseigner sur lui.

[4] Stéphanie Grammond, Tout le Québec inc. dans une seule action, 6 février 2012, La Presse

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