Un « pourboire » pour les services de santé
Montréal, le 31 mars 2010 — Le Mouvement de défense et d’éducation des actionnaires (le MÉDAC) dénonce le refus du gouvernement québécois de faire appel, dans son dernier budget, à la contribution financière des très hauts salariés au financement des services de santé au Québec. Au lieu de choisir un système de taxation ou d’imposition progressif en tenant compte des revenus des individus, le Ministre des finances a plutôt opté pour une taxe nivelée, chacun assumant la même responsabilité financière peu importe les revenus de chacun. Il en résulte que les petits salariés devront rogner leur budget touchant à leur qualité de vie tandis que pour les hauts salariés, il ne s’agira que d’un simple « pourboire », une gratification volontaire et anodine.
Cette orientation, inéquitable et injuste sur le plan social, est provocante alors qu’au cours des dernières semaines, la plupart des grandes banques et corporations canadiennes ont divulgué leurs résultats financiers de la dernière année, démontrant, d’une part, que contrairement à des milliers d’individus et d’actionnaires, elles n’avaient nullement souffert de la dernière crise financière et d’autre part, qu’elles n’avaient aucune retenue quant à la rémunération de leurs hauts dirigeants. Ainsi, nous apprenions que les présidents des grandes banques, par exemple, se méritaient une rémunération équivalente à 156 fois, 119 fois, 96 fois, 72 fois le salaire moyen de leurs employés. Une seule banque démontrait une certaine réserve par l’octroi d’une rémunération 28 fois plus importante que celle de la moyenne de ses employés. En somme, quelques dizaines de millions, incluant de gros bonis s’ajoutant à ce que d’aucuns qualifient de « salaires de la honte ».
Le Québec veut apparaître comme une « social-démocratie » d’avant-garde, selon les dires du Ministre des finances et de faire aussi bien que les grands pays. Pourtant, aux Pays-Bas, au Royaume-Uni, en France, au nom d’un minimum d’équité et de justice, on n’hésite pas à ajouter une tranche d’imposition pour les hauts salariés, soit ceux et celles qui gagnent plus, non pas dix millions, non pas un million, mais le quart de million, ou encore une taxe allant jusqu’à 50 % sur les bonis et les primes de tous genres. Les gouvernements de ces pays n’hésitent pas à taxer les inégalités trop flagrantes.
On dira que, dans l’ensemble, cette contribution des hauts salariés représenterait peu de choses en regard de l’ensemble des besoins financiers. C’est vrai, mais la nouvelle taxation actuelle ne réglerait pas davantage tout le problème de financement des services de santé.
Mais symboliquement, cette taxation permettrait de rappeler aux très hauts salariés, sur le plan de la responsabilité sociale, qu’ils ne sont pas les égaux des bas salariés. Payer 200 $ alors que son salaire est de 10 millions $, c’est moins lourd que de payer 200 $ alors que son salaire brut est de 30 000 $. Pour les hauts salariés, 200 $ c’est le prix d’un repas dans un restaurant cinq étoiles. Pour les bas salariés, 200 $, c’est souvent le budget alimentaire… d’une semaine! Oui, il est vrai qu’est prévu un crédit d’impôt de solidarité — mais, en réalité, ce crédit est trop faible pour compenser l’effet négatif sur les bas salariés. Cette forme de taxation a pour effet d’appauvrir les pauvres — alors qu’il n’a guère d’effet sur les conditions de vie des riches.
Le budget était une occasion rêvée pour l’État d’humaniser ces politiques de rémunération honteuses et votées par ceux qui détiennent déjà le pouvoir du capital. L’État a refusé de le faire. Le MÉDAC le dénonce, en premier lieu, au nom des petits épargnants et investisseurs qui n’apprécient guère que les hauts gestionnaires soient plus intéressés à leur propre rémunération qu’à l’enrichissement des petits épargnants et au nom d’une société plus juste et plus égalitaire.