La marotte du Jour de la marmotte!

2020-05-07
Louis Fortier*, ACJT

Adopté en 1983, l’article 40.1 de la Loi sur les valeurs mobilières du Québec (LVMQ) prévoit que les prospectus et autres documents d'information continue déposés auprès de l’Autorité des marchés financiers (AMF) doivent être établis en français ou en français et en anglais, et ce, afin de permettre aux épargnants unilingues francophones de prendre une décision éclairée en matière de placement au même titre que les épargnants anglophones.

Comme dans le film Le Jour de la marmotte mettant en vedette Bill Murray, depuis des années et sous différents prétextes, la marotte de certains intervenants du secteur financier consiste à s’adresser aux divers gouvernements pour faire modifier l’article 40.1 LVMQ à leur avantage, sans tenir compte des droits linguistiques des épargnants et sans consulter les intervenants les plus susceptibles de les aider : les langagiers.

Cette année, c’est nul autre que Monsieur Louis Doyle, directeur général de Québec Bourse inc., qui fait office de marmotte. Monsieur Doyle est aussi président de Doyle Gestion-Conseils inc. La solution proposée par ce dernier, soit un résumé en français, est tout simplement inacceptable. Monsieur Doyle accepterait-il qu’avec les clés d’une rutilante voiture neuve, un concessionnaire automobile lui remette un manuel du conducteur de deux cent pages entièrement rédigé en japonais, et accompagné d’un résumé de trois ou quatre pages en français?

Pourquoi Shopify inc. a-t-elle décidé de ne pas faire traduire son prospectus vers le français? Comment une entreprise émettant pour plus d’un milliard de dollars d’actions peut-elle sérieusement prétendre ne pas avoir les moyens de faire traduire ses documents vers le français? Pourquoi les épargnants québécois francophones investiraient-ils leur argent dans une entreprise qui ne les respectent pas?

L’article 40.1 de la LVMQ permet de préserver le statut du français au Québec, de respecter la Charte de la langue française et de protéger les droits linguistiques des épargnants ainsi que d’assurer le rayonnement du secteur langagier au Québec, au Canada et dans le monde entier. Dans le cadre de leurs missions respectives, l’Autorité des marchés financiers et la Caisse de dépôt et placement du Québec doivent protéger la langue française en faisant respecter l’esprit et la lettre de l’article 40.1 de la LVMQ tant dans son interprétation que dans son application.

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* — Me Louis Fortier, trad. a., adm. a., compte plus de 25 ans d’expérience à titre de juriste-traducteur. Il est notamment président de l’Association canadienne des juristes-traducteurs (ACJT). Il s’exprime ici à titre personnel.

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