BlackRock pointée du doigt pour sa taille

26 septembre 2019
Dominique Lemoine

Les fonds indiciels qui répliquent la performance d’indices boursiers plutôt que d’actions spécifiques sont égratignés dans un document mis en ligne le 17 septembre 2019 par la chaîne Arte au sujet du gestionnaire d’actifs et investisseur institutionnel BlackRock.

Selon le reportage réalisé par Tom Ockers, les fonds (indiciels) négociables en bourse (FNB) qui font partie de l’arsenal d’outils de placement utilisés par BlackRock pour investir l’argent des petits épargnants qui font partie de ses clients ont contribué à son accumulation de 6000 milliards de dollars en actifs sous gestion, ainsi qu’au développement d’une bulle financière depuis 2009.

Le documentaire se montre également critique de la taille de BlackRock et des conséquences systémiques que pourraient avoir un abandon massif des FNB, de même que du pouvoir anticoncurrentiel que BlackRock pourrait s’être accaparé grâce à ses actifs, auprès des entreprises multinationales, des banques centrales et des autorités étatiques, ainsi que sur les marchés boursiers.

L’enquête évoque rapidement les raisons de la popularité des FNB et sème des doutes quant à la sincérité des déclarations de BlackRock et de son fondateur en matière de responsabilité sociale des entreprises (RSE).

Valeurs éthiques réelles ou imposture socioenvironnementale?

Les fonds indiciels ont permis une diversification des risques en contexte de sortie de crise et contribué à réduire les frais de gestion payés par les épargnants. Le documentaire relève en effet que la pression des FNB a « contraint les gestionnaires d’actifs traditionnels à baisser leurs tarifs », car « plus personne ne décide des actions qu’il faudrait acheter ».

Le fondateur de BlackRock, Larry Fink, prend aussi parfois des positions en matière de gouvernement d’entreprise. Par exemple, au début de 2019, Fink a publié une lettre  à l’attention de ses pairs chefs de direction dans laquelle il soutient que les entreprises doivent avoir une raison d’être collective au-delà des profits.

Cependant, selon le reportage, BlackRock jouerait sur tous les tableaux en détenant par exemple des parts dans des entreprises branchées telles que Facebook, Apple et Microsoft, mais aussi dans des sociétés moins à la mode telles que l’entreprise d’armement Rheinmetall et la pétrolière Shell. Du côté des clients, on trouve notamment le fonds souverain norvégien, ainsi que le gestionnaire californien de fonds de retraite CalPERS.

Toujours selon le reportage, citant un document, le seul critère de BlackRock pour soutenir ou non la politique commerciale d’une entreprise serait donc « l’intérêt à long terme des actionnaires », et sa promotion de la RSE serait séparée de ses décisions de gestion et de placement.

À part la rue, qui d'autre peut vouloir la peau de BlackRock?

Néanmoins, coïncidence ou non, le chef de la direction d’Apple et 180 autres chefs de direction sont signataires, depuis août 2019, d’une déclaration  qui affirme que les entreprises ont intérêt à avoir un intérêt supérieur relevant de la responsabilité sociale des entreprises, comme tenir compte des intérêts des parties intéressées (prenantes), notamment les employés et les collectivités.

BlackRock, selon le reportage, grâce à ses investissements, « vote aux assemblées générales de 17 000 grandes sociétés du monde entier et influence donc leurs stratégies ».

Plusieurs entreprises réfractaires à ce que des réformes sociales et environnementales soient ajoutées à leur ordre du jour et à leurs processus décisionnels, plusieurs gestionnaires d’actifs traditionnels attachés à des frais de gestion plus élevés, ainsi que plusieurs investisseurs à court terme, comme l’activiste Carl Icahn, pourraient donc avoir intérêt à utiliser leur propre influence pour ternir la réputation de BlackRock, tout en ne contribuant pas moins aux inégalités et aux injustices, toutes proportions gardées.

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