Avoir un intérêt supérieur à l’argent rapporte
12 septembre 2019
Dominique Lemoine
Les entreprises gagneraient à avoir une raison d’être au-delà des profits, selon 181 chefs de la direction d’entreprises qui ensemble représentent 30 % de la capitalisation boursière aux États-Unis.
Une lettre signée par 181 chefs de la direction étatsuniens et une étude réalisée par deux chercheurs des universités Harvard et de Pennsylvanie remettent en question la croyance héritée de l’École de Chicago selon laquelle la responsabilité sociale des entreprises doit et peut n’être que d’accroître les profits des actionnaires.
Selon les auteurs de l’étude, parvenir à transmettre un intérêt supérieur collectif aux employés contribue à leur procurer le sentiment que continuer à vendre leur travail aux propriétaires de l’entreprise est utile à quelque chose au-delà de la simple accumulation de récompenses par une poignée d’individus.
Selon les deux chercheurs, les hautes directions qui parviennent à transmettre de hauts niveaux de raisons de travailler à leurs ressources humaines utilisées performent de 5 à 7 % mieux que le marché. Selon eux, la raison d’être mobilisatrice peut toutefois décliner ou disparaître après une fusion ou une acquisition faisant peu de cas de la culture de l’organisation, réduisant ainsi la motivation et les profits. Le niveau d’intérêt supérieur est aussi inférieur dans les sociétés ouvertes, notamment en raison de la présence d’investisseurs activistes à courtes vues, comparativement aux entreprises qui ne sont pas inscrites en bourse, précisent-ils.
Pendant ce temps, la discorde gagne du terrain
Les signataires de la déclaration, c’est-à-dire des chefs de la direction d’entreprises membres du groupe de pression Business Roundtable, dont Apple et Walmart, se sont engagés à « livrer de la valeur à toutes les parties prenantes », par exemple leurs clients, leurs employés et leurs fournisseurs, pour la « réussite future » de « leurs entreprises, leurs communautés et leur pays ».
Dans une autre lettre à l’attention de ses pairs, le chef de la direction de BlackRock, Larry Fink, affirmait que « la raison d’être est la force qui stimule l’atteinte des profits ».
Les chercheurs demeurent sceptiques au sujet de la déclaration et des intentions réelles de ses signataires en matière de reddition de comptes aux parties prenantes. Ils laissent entendre que la déclaration pourrait être, d’abord et avant tout, une opération de relations publiques dans un contexte de revendications socioéconomiques croissantes, voire une feinte d’autorégulation pour contrecarrer des propositions électorales d’élargissement de la responsabilité sociale des plus puissants propriétaires des moyens de production par la force de la réglementation.
À titre comparatif, la Loi du R.-U. (section 172 du Companies Act) contraint davantage les sociétés à tenir compte des intérêts de l’ensemble des parties prenantes.
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