Le fédéral épingle des clients, mais épargne KPMG

14 juin 2019
Dominique Lemoine

L’Agence du revenu du Canada ne peut que conclure des ententes avec des clients de KPMG pour récupérer de l’argent qui lui est dû, et jusqu’à maintenant le cerveau de l’opération s’en tire indemne.

Radio-Canada rappelait cette semaine que l’Agence du revenu du Canada (ARC) conclut des ententes à l’amiable avec des clients du cabinet comptable KPMG et du stratagème d’évitement fiscal qu’il a élaboré, plutôt que de risquer de ne pouvoir récupérer aucun montant à la suite d’une défaite potentielle en cour de justice. Ces ententes sont secrètes selon Conseiller.ca.

Toujours selon Radio-Canada, le sous-commissaire responsable des enquêtes à l’ARC, Ted Gallivan, a affirmé devant le comité des finances de la Chambre des communes, que « l’Agence n’est pas toujours contente de la décision des juges ». De son côté, KPMG aurait toujours maintenu que « son stratagème était légal ».

De plus, bien que l’ARC reconnaisse que le stratagème était « destiné à tromper » le gouvernement, et qu’il avait permis de détourner 24 millions de dollars en impôts dûs, jusqu’à maintenant rien n’annonce une enquête ou une poursuite contre l’entreprise.

En 2016, un professeur de l’Université Laval spécialisé en impôt, André Lareau, recommandait la tenue d’une enquête portant aussi sur KPMG et sur la manière dont le cabinet a « maintenu le stratagème caché pendant plus d’une décennie ». Gallivan avait affirmé rejeter l’idée de la nécessité d’une enquête publique.

Un avocat fiscaliste de Toronto, aussi en 2016, dénonçait un double standard et réclamait que ses clients, des contribuables à revenu moyen, aient accès au même privilège que les clients de KPMG dans leur litige avec l’ARC.

En 2017, les émissions Enquête et Fifth Estate affirmaient que « ni les clients de KPMG ni le cabinet lui-même n’ont fait l’objet d’une enquête criminelle pour évasion fiscale ». Même que selon l'experte en fiscalité Marwah Rizqy, des « hauts fonctionnaires négociaient une amnistie avec KPMG ».

Bref, très peu pour décourager l’élaboration de nouveaux stratagèmes toujours plus sophistiqués par des entreprises de haute voltige fiscale, ni pour décourager le recours des clients à ces stratagèmes.

La saga de KPMG et celle de SNC-Lavalin rappellent qu’en règle générale, sauf quand exceptionnellement surgit un empêcheur ou une empêcheuse de tourner en rond, le régime politique canadien, ainsi que son appareil législatif, garantissent essentiellement aux plus puissantes entreprises le privilège de l’impunité, et aux plus nantis le privilège de l’accommodement amiable.

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