SNC-Lavalin : nettoyer le gâchis

2019-02-28
Willie Gagnon, Le MÉDAC

« Le sentiment d’aliénation de la population au sujet de » SNC-Lavalin « est manifeste et palpable. Il y a plusieurs raisons à cela. »

Depuis des années, le feu roulant des tribulations dans ce dossier, toutes plus grotesques et grossières les unes que les autres (pots de vins, corruption, Kadhafi père et fils, lobby systématique, arrêt Jordan, scandale du CUSM, etc.), n’a de cesse de déferler dans l’actualité, tapissant la une des journaux comme celle de l’Internet des nouvelles. Tout le monde, y compris les actionnaires de SNC-Lavalin, est parfaitement en droit de s’inquiéter sérieusement de la « performance » du titre de la société ouverte, plus encore de son existence même à titre d’émetteur assujetti.

Les allégations de l’ancienne ministre de la Justice et procureure générale Jody Wilson-Raybould aux audiences publiques du Comité permanent de la justice et des droits de la personne sur les Accords de réparation, la doctrine Shawcross et les discussions entre le Bureau du Procureur général et des collègues du gouvernement le 27 février 2019 sont sans équivoque aucune.

Elles mettent directement en cause la responsabilité et l’intégrité non seulement du ministre des Finances William Francis Morneau (par le truchement de Ben Chin, son chef de cabinet), du greffier du Conseil privé Michæl Wernick, du premier ministre Justin Trudeau, mais également du gouvernement libéral tout entier.

Il y est notamment dit que le conseil d’administration de SNC-Lavalin menace ouvertement de transférer son siège social québécois au Royaume-Uni s’il n’obtient pas satisfaction quant à son souhait de jouir du privilège de se prévaloir d’un accord ou d’un arrêté de réparation pour remédier au crime d’entreprise, comme en dispose désormais le Code criminel amendé par le gouvernement Trudeau en 2018 (articles 715.3 à 715.43).

En l’espèce, comme dans toute matière relevant de la bonne gouverne d’entreprise* par ailleurs, il importe, en vertu de la jurisprudence ici (affaire BCE 2008 CSC 69, paragraphe 39) comme de la Loi au R.-U. (section 172 du Companies Act), de traiter les parties intéressées** de manière équitable, voire de tenir compte des intérêts de chacune.

Or, les parties intéressées comprennent :

  • les employés;
  • les fournisseurs;
  • les clients;
  • la collectivité;
  • les actionnaires.

Voilà précisément là où le bât blesse. Par définition, aucune de ces parties n’est coupable de crime. Aussi, il n’est pas possible de mettre une personne morale (une entreprise) en prison. La question se pose alors de manière crue. Comment punir une société (ouverte) coupable de crime sans en affecter les innocents?

Les régimes juridiques où sont constituées les entreprises concurrentes de SNC-Lavalin comptent à peu près tous des dispositions criminelles semblables aux accords de réparation implantés par Trudeau. Là n’est pas le problème ni même la solution. Tout est dans la manière.

Selon Wilson-Raybould, Trudeau a mal agi dans le dossier, l’apparence d’ingérence valant ingérence dans les faits. Toujours selon Wilson-Raybould, la direction de SNC-Lavalin aurait mal agi dans le dossier, en menaçant du transfert du siège québécois au Royaume-Uni. Par un étrange concours de coïncidences, Neil Bruce (OBE) est citoyen britannique.

Dans un cas comme dans l’autre, les intérêts de toutes les parties prenantes sont lésés. Sur tous les plans.

Il n’est dans l’intérêt d’absolument personne de voir l’économie nationale amputée de pareil fleuron, à commencer par nous tous qui, par le truchement de la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ), en possédons 20 %. Il faut oser espérer que la CDPQ saura jouer son rôle plein et entier dans le règlement de l’affaire.

De toutes les sociétés ouvertes, s’il en est une dont le comportement se doit d’être exemplaire, c’est bien SNC-Lavalin. Elle est loin de jouir du luxe de pouvoir faire autrement. Fini le temps des menaces de délocalisation. Nous ne ferons pas les frais des mots de ventre électoraux ou des angoisses intestines d’un parti politique ou d’un autre.

Il est impératif de faire le ménage de cet incroyable gâchis, de procéder à l’ablation des organes cancéreux de cette créature financière.

Il faut que l’assemblée annuelle des actionnaires de SNC-Lavalin qui doit avoir lieu le 2 mai 2019 marque le point d’orgue d’une telle opération, et non le début.

Nous y veillerons là, d’ici là et aujourd’hui.

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* La gouvernance du monde anglo-saxon.

** Les parties prenantes du monde anglo-saxon.

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