L’argument fallacieux du contrôle absolu

2019-02-12
Willie Gagnon, Le MÉDAC

Nombre de détenteurs d’actions à droit de vote multiple (AVM) avancent régulièrement l’argument selon lequel le contrôle qu’ils ont des sociétés dont ils sont actionnaires sert à protéger lesdites compagnies contre les prises de contrôle hostiles, soit à permettre d’en empêcher la vente à l’étranger. Ce n’est pas exactement le cas. Voici.

La Loi canadienne sur les sociétés par actions (LCSA), tout comme la Loi sur les sociétés par actions du Québec (LSAQ), dispose de ce que la vente d’une société fasse l’objet d’une « résolution spéciale » définie en ces termes :

« Résolution adoptée aux deux tiers au moins des voix exprimées ou signée de tous les actionnaires habiles à voter en l’occurrence. » (Je graisse, incline et souligne.)

Par voie de conséquence, il suffit du tiers des votes pour bloquer pareille offre d’achat. Autrement dit, un actionnaire qui détient le tiers des votes (plus un vote) est en mesure de bloquer toute offre d’achat à lui seul.

Il n’est donc pas nécessaire de contrôler une société par le truchement de la détention de la majorité (absolue) des droits de vote pour pouvoir la protéger d’une prise de contrôle étrangère. Il suffit en effet du tiers des votes, encore une fois.

À titre d’exemple, la famille Saputo possède 43,09 % des actions de la société Saputo inc. Les actions de Saputo inc. donnent droit à un seul vote chacune. La famille Saputo ne détient donc pas le contrôle de l’entreprise. Cependant, il lui est possible de la protéger d’une prise de contrôle, puisqu’elle détient plus du tiers des droits de vote.

Qui plus est, lorsqu’un actionnaire jouit du privilège de détenir des actions à droit de vote multiple, il lui faut généralement environ 10 % ou moins du total des actions pour pouvoir contrôler plus du tiers des votes, en fonction du nombre de votes par action (VPA).

En effet, comme le souligne Yvan Allaire dans la mise à jour récente de la position de l’IGOPP à ce sujet (*.pdf ), dans une société dont les AVM ne comportent que 4 VPA, il suffit de détenir seulement 11,11 % du total des actions pour pouvoir bloquer toute résolution spéciale, et, par conséquent, pour être en mesure de contrer une offre d’achat (hostile), ainsi que pour protéger le siège social de la société. Ce pourcentage est de 4,76 % pour les AVM à 10 VPA. Autrement dit, le contrôle de la majorité des votes est superflu à cette fin. Le tableau ci-dessous illustre cette situation, pour différents ratios de votes par AVM.

ratio vpa avm

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